Aaron Mac Elroy : le diable peut attendre


 

Les photographies d’Aaron Mac Elroy sont nimbées d’incertitudes programmées. La lumière existe mais elle se meurt là où tous repères de temps et de lieux disparaissent. De telles œuvres témoignent toutefois d’une  vérité. Dérisoire peut-être mais vérité tout de même. Rien n'est vraiment affirmé ou ce qui est affirmé n'a aucune signification sure. Le corps lui-même devient une énigme comme si tous les êtres étaient nés au plus noir de la nuit.

Mais peu à peu ils reviennent à eux, cherchent l’amour et le lieu où ils peuvent le faire. Qu’importe si «  venus, partis, partis à peine à peine venus,  partis à peine, venus, partis » (Beckett) leur histoire suivra son cours dont le regardeur aura eu ce qui tient d’une frêle énigme.

Surgissent quelques éléments de contingence offerts sans le moindre cérémonial. Demeure l’épreuve du manque. La photographie ne revient pas à l’exclure  mais à donner un caractère ineffable à la réalité. Le monde se clôt sans déboucher magiquement sur un cycle cosmique mais sur son contraire : un monde du sourd, du  muet mais pas forcément du chaos puisque le spectateur atteint un état de perception d'intensité sur ce qui n’a rien d’exceptionnel. L'image déploie une rythmique afin que le presque rien acquiert une visée "sensorielle" pour faire sentir un vide mais où quelque chose reste en suspens.

Jean-Paul Gavard-Perret

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