Anne-Christine Roda : attention et gravité


 

Depuis sa Haute-Savoie d’adoption Anne-Christine Roda n’a qu’un but : redonner "l'ambition du sens à l'humain, en lieu et place de l'imagerie quotidienne, des catégories qui dissèquent et dissolvent". Sans cesse l’artiste appelle l’Autre à l’horizon de sa quête intense. A partir de photographies l’artiste entame un travail d’empathie, de reconnaissance et de « restitution ». Le portrait avance, se précise au fil des reprises qui accordent souvent une autre nudité à la nudité dégagée de toute diégèse.

Le portait peut a priori sembler classique mais de fait il n’en est rien. L’exhibition du corps nu échappe au simple érotisme. Elle joue de l’aporie. Ce choix ne renie pas l’intelligence (au contraire) et ne dérobe plus l’être. L’attention est donc plus grande. L’artiste crée une étrange  lumière au milieu de la « nuit ». Le plus souvent la clarté pointe d’une forme de ténèbre. Surgissent des pliures d’ombres roses, un plan de « coupe » va montant ou tombe horizontal et sabre le vide. La baie d’un pubis recoud le regard. Sur une poitrine la lumière s’étoffe ou s’étouffe avant de caresser le cou, les bras. Restent des pans au grain d’orge et au sucre ignoré.

Chaque portrait ouvre sur un inconnaissable. La femme devient l’étrangère inaccessible qui échappe au prédateur avide. Insensiblement le corps est poussé vers un idéal. Libéré de l’asservissement au fantasme, le corps est traité avec recueillement et gravité. Il devient l’objet d’une cérémonie secrète : celle d’une rencontre de l’artiste avec son sujet. Elle la fait partager entre rêve et réalité. La prouesse tient à ce rituel où le corps - jeune ou vieux - devient ailé. Le seul jeu est celui de la libre intelligence et de l’émotion profonde là où ce qui s’engage est moins le corps que la vie intérieure.


Jean-Paul Gavard-Perret

 

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