Anne Brérot : des voyageurs et de leurs traces

 


 

Anne Brérot  ramasse à la spatule, au couteau  des indices en forme d’intimités.  Dans chaque toile nous suivons l’humain comme le monde moins en sa transparence qu’en son opacité.  Il est ce que Primo Levi en dit : "pain du mort au coeur de la braise". La terre est comme ouverte. Mémoire, trop de mémoire. L'être parfois  n’est plus qu’une marionnette à fils. Ce sont elles quoique parfois presque invisibles qui le tiennent sur l'horizon. Laminé par les soucis et le néant (cela n'étant pas forcément incompatible) le corps n'a plus besoin des clous de la crucifixion.

 

Il faut toujours revenir à l’artiste et son idée de l’être comme des choses qui font la vie ou la symbolise. Le fond du tableau, son  paysage (ou du moins ce qu’il en reste)  indique sa misère, sa diaphanéité, son épaisseur. Un monde naît. Fragilité, minceur, condensation.  De chaque toile d’Anne Brérot semble surgir des sons, des bruits mais pas au point d'en faire une voix.

 

On doit se contenter du peu qu'on a. Se contenter de ce que la lieuse laisse visible à travers ses sentinelles égarées. Restent des empreintes, un battement comparable à celui d’une porte dérobée par laquelle l’artiste montre le bout du monde. Cela nous ramène dans l’ici-bas de notre inconscient. Il ne faut jamais y rechercher la dureté de la pierre mais l’impalpable du pigment. Surgit l’essentiel : la solitude quand il n’y a pas de lieu à habiter à deux, d’autre corps à habiter. Ou si peu.


Jean-Paul Gavard-Perret

 


 

 

 

 

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