Jean-Paul Klée, une poésie qui ne désarme pas...

Résultat de recherche d'images pour "jean paul klee"La poésie de Jean-Paul Klée ne rend pas les armes – quand bien même elle est habitée par un bruissement et un répit de source au plus près de son émergence…

 

 

En  plus d’un demi-siècle d’amour de la poésie, Jean-Paul Klée a donné une quinzaine de recueils-jalons espacés, finement ciselés en une orthographe et une typographie fort personnelles qui épouse le désordre et la folie du monde pour le gagner peut-être à une toute autre « raison » avec les moyens du bord : une organisation différente des mots, de leur musicalité – et du silence réaccordé au mouvement de la vie comme elle se défait et parfois s’emballe, en des élans intérieurs plus intenses que le doute fondamental. Ce doute qui étreint tout vivant jeté dans ce monde aux boussoles mortes comme les âmes qui l’infestent et que le poète interpelle en décrypteur de béances ou de lézardes :

 

 

 

ET VOUS ? … Comment vous arrangez-vous de cette chienne de vie qu’on nous fait ?

 

 

Depuis mars 1963, Jean-Paul Klée est entré dans l’histoire littéraire d’Alsace (et au-delà…) par le bureau d’Antoine Fischer (1910-1972), le mythique fondateur des Saisons d’Alsace – il lui avait amené son premier article sur le Sturmhof alors voué à la démolition.

Depuis la parution de son premier recueil de poésie (L’Eté l’éternité, Chambelland, 1970), il interroge le mystère par le haut tout en essayant de recueillir un peu de ce qui tombe :

 

 

Comme l’avaricieux sinuant j’ai trouvé/l’émerveil chemin qui ce matin m’aura/procuré 9 poêsies dont ma bonne main/s’est accouchée (je suis à deux pas du SUBWAY où j’ai consommé/un thé jaune marqué LIPTON)

 

Ainsi, le lecteur apprendra-t-il dans le poème ai-je gémi !... que de 11h25 à 13h48 dix poèmes sont arrivés de surcroît ce jour-là… Pour qui, pour quoi ? Par besoin d’un miracle qui, seul, peut pénétrer le mystère - ou en sortir ? Ou bien pour s’acquitter d’une dette perpétuelle, s’affranchir d’un engagement intime ou se délivrer d’une errante intensité soulevant les mots au-dessus de l’insoutenable ?

Son père, Raymond Lucien Klée (1907-1944), ami de Simone Weil (1909-1943), reçu second en 1931 à l’agrégation de philosophie, devant Claude Levy-Strauss (1908-2009) est mort au

Struthof le 18 avril 1944. Il avait été arrêté au lycée de Versailles où il enseignait et déporté pour « propagande gaulliste ».  Raymond Lucien Klee n’a pas eu le temps d’accomplir son œuvre – il travaillait à une thèse sur Husserl. Aussi son fils ne désarme-t-il plus sa poésie d’urgence dont le bruissement remonte à sa source comme ces fruits qui mûrissent vers leur origine…

 

JPK se souvient de sa « réclusion » au château de Courtanveaux, près de Bessé-sur-Braye (Sarthe), en Vendômois, chez son beau-père Odon de Montesquiou-Fezensac (1907-1964), avec  ses bibliothèques grillagées à tous les étages et son bélier fabriqué par Amédée Bollée (1844-1917), fondeur de cloches et constructeur automobile au Mans. La belle mécanique pompait l’eau pour les châtelains – en ces années cinquante, le jeune Jean-Paul allait encore chercher l’eau à la fontaine avec une belle carafe dorée :

 

Cousinage bien-venu voiturette velue les/ rütabagas sont-ils démodés Je ne fis/pas long feu or j’étais perdichü trava/yeur & si minussieux qu’à la/longue l’orpailleur forcément fortüne fée (sauf qu’on ne savait quand…

 

Ainsi Jean-Paul Klée est-il entré en poésie, sur cette terre de rois et de favorites où il a ressenti la pleine présence du verbe et de l’histoire, comme en embrasse sa libération - en une vision fondatrice et définitive, restituée dans tout son éclat dans ce dernier recueil de 80 pièces d’orfèvrerie autant que d’artillerie légère délivrant cet intarissable murmure de source qui habite en chacun…

 

Jean-Paul Klée, Cœur qui comme le mien ira décoloré parmi les fleurs, éditions des Vanneaux, 112 p., 15 €

 

 

 

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