Anne Voeffray : Persona
Anne
Voeffray pêche dans les étangs noirs
et sombres des cercles du corps tout ce qui non seulement le, mais nous
traverse. Surgit une force profonde, pénétrante. Dans le nocturne de lumières
enfouies le corps se dilate mais en pudeur. Un soleil paradoxal creuse
parfois le visage, la poitrine. Des bruits semblent claquer dans un
flot qui brise le deuil en ruissellements. Existent ça et là des carpes
étranges qui se lovent comme des serpents. En attention et tendresse
sur des berges
fiévreuses demeure l’étrange hypnose des désirs inconnus.
Le parti-pris du noir et blanc refuse un retour nostalgique vers une époque révolue. Il n'offre pas plus le miroir d'une coloration déformante par faux-effet de réel. Néanmoins si pour Anne Voeffray tout aspire à l’ombre il ne s’agit pas de plonger l’homme dans le morbide. Simplement couleurs transpirent et narrent une histoire qui ne convient pas. Le supplément de réalisme qu'elles feignent d'octroyer ne peut satisfaire une créatrice avide de toucher les lieux impénétrables de l’être.
Le corps entrevu s’oppose à ce que Deleuze nomme "image affection". Non que l’artiste cherche à remiser l'affect mais la photographie n'est plus le lieu de vacation des fantasmes. L'image, plus expressionniste qu'impressionniste, touche une figure mythique dans la mesure où elle se dégage de tout caractère étroitement particulier et psychologique. Elle plonge vers l'invisible, vers l'in-fans, vers l'innommable. L'affaiblissement de la lumière ouvre la possibilité de trouver une brillance qui ne dépasse jamais la puissance d'une ou de deux bougies. Mais elle capable de donner un relief paradoxal aux mouvements et aux poses de l’artiste et de ses modèles.
Jean-Paul Gavard-Perret
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