Depuis
2001 Kimiko Yoshida crée des autoportraits selon la même stratégie : le
cadrage, la lumière, le format et bien sûr le même
personnage (maquillé de la même couleur que le fond) sont pris de front
sans retouche numérique. L’effet de répétition est remplacé par celui
de la variation si bien que l’artiste d’une image à l’autre ne se
reconnaît pas. Il s’agit moins d’affirmer
une identité, une appartenance que de créer une polyphonie figurale
loin de toute propension narrative ou anecdotique. Comme le précise
l’artiste :
« Je pense à ce vers de John Lennon :
«Je suis lui comme tu es lui comme tu es moi »)… L’autoportrait est
donc pour moi l’espace de la transposition, de la disparition, de la
mutation ».
Il est donc l’inverse de ce qu’il est généralement. Il est remplacé par
un « pas moi » en référence à des peintures et des sculptures d’autres
artistes qui introduisent implicitement altérité, dissemblance, clivage,
disjonction.
Leréel dénudé, se détache de la figure. Comme si à la question «
C’est toi qui as fait ça ? », l’artiste pouvait répondre « Non c’est
toi ». Elle devient actrice non de sa vie mais de son art afin que son
propre regard se détache d’elle et que le visage
renonce à lui-même mais tout autantfasse
lever en lui ce qui ne peut s'apaiser, qui ne supporte pas d'arrêt, ne
conçoit pas de terme sinon au renoncement d’être unique, univoque. Il se
peut donc que le « vrai » visage ne soit
pas le « bon ». Le bon seraitcelui que l’artiste attend en le multipliant. C’est pourquoi elle crée le pas du « pas ».
Preuve qu’il est bon parfois de se perdre pour non seulement se retrouver mais exister, devenir qui l’on est, être qui l’on devient.
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