En plus beau garçon du monde, l’autoportrait ne peut donner
que ce qu’il a. Il n'offre qu’une apparence à l’ « imago ». D’où
pour l’artistela nécessité d'en jouer
selon différentes séries dont celle astucieusement inspirée par Beckett dont le
« je, qui ça ? » débouche sur ce « Pas moi » que
l’œuvre ne cesse d’exprimer. Le reprenant à sa main, Cluca en réinterprète
certaines « partitions » avec une ironie froide et une sorte de défi
où elle joue du travestissement en reprenant le frac des mendiants célestes de
Beckett.
Ce travestissement pose incidemmentla question du genre. Néanmoins ici Cluca
retravaille en profondeur l’autoportrait non sans un jeu cérémoniel.
L’imaginaire de l’artiste transforme le genre pour le porter vers un autre
terrain que celui du miroir en une poésie d’images immobiles mais qui se
déplient en séquences aussi photographiques que théâtrales.
Elles
explorent le sens à accorder au mot « présence » par celle qui à la
fois se met en scène et joue de son image loin d’un pur reflet du réel et au
profit de son effacement jusqu’à un « innanulable moindre» (Beckett).
Reste à se demander si ce moi ne retrouve pasune identité bien plus profonde que le simple effet de mimétisme
pourrait le donner. L’imagene veut pas
renvoyer au semblable du même, pas plus qu’elle cherche à faire lever du
fantasme. « Déshabillé » (en partie et parfois ) le modèle Cluca fait
de l’artiste une parfaite iconoclaste.
Les poses ouvrent
à toute une symbolique à la fois de repliement et d’ascension plutôt que
d’exhibition. S’y atteint un invisible qui devient l’équivalence figurale de « l’innommable »
cher à Beckett. Tout voyeurismeest supprimé là où la mortification visuelle se double d’une ironie
plus contondante qu’il n’y paraît.
Jean-Paul
Gavard-Perret
Cluca, « All along with Beckett », voir site de l’artiste
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