Gisèle Didi : voiles et nudités
Les femmes de Gisèle Didi connaissent l’ondoiement des tissus ou la troublante nudité. Il existe parfois des adieux à l’enfance même si les figurations en leur soie épousent encore le perfectible corps dans la promesse d’éclore aspirant aux brillants essors. Parfois les corps sont plus amples et travaillés par le temps et l'intimité se remodèle: elle s’enrichit par superposition de strates. Dans les tréfonds obscurs peut s'y chercher l’image d’une autre femme, qu’on aurait côtoyée peut-être du moins rêvée à l'évidence.
Surgit le regard ambigu sur le statut non moins ambigu de la féminité dans une société avide toujours de cloisonnements et de pérennité. L'artiste nous donne à voir le travail de sape salutaire de la vraie liberté. Celle qui fonde et qui brise, celle qui - ainsi révélée - tend à occuper tout l’espace et faire le vide autour d'elle. La femme est présente sous une inflorescence qui la prolonge et l’isole.
Dès lors de telles photographie ne se quittent pas : elles médusent : « je traverse, j’ai été traversé » dirait Duras. Reste une magie tendre ou grave. Preuve que dans la contemplation des portraits le réel n’est pas parti. Du moins pas trop loin. Pas en totalité. Ses portrais sont des romans ou nouvelles. Un cinéma (presque) muet : les images parlent Ce sont aussi des réponses "militantes". Car Au sein du genre apparemment cadré du portrait l'œuvre n'est pas pour autant coupée du monde Mais les corps parlent soudain une langue étrangère : chaque femme est la dupe consentante du non-dupe. Ça a un nom. C'est l'existence. L'existence dépouillée.
Jean-Paul Gavard-Perret
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