Corps et contre-corps : Sylvie Aflalo et la féminité

Les femmes de Sylvie Aflalo n'attendent personne. Pas question de se laisser faire par ceux qui voudraient leur  ouvrir le cœur et leur faire la peau. Elles ne leur donnent jamais la clé de leur secret. Indifférentes mais charmeuses elles restent  sur la foi de rêves trop beaux pour être vrais. Elles croisent simplement  les jambes sachant que l'improbable advient avec la poignante simplicité des choses inévitables. De leurs hanches, leur poitrine ou leur tronc coulent des myriades d’images. Restent les longues partitions des allées de leurs jambes. D'invisibles courants les relient en face de soi et hors de soi.

 

Sylvie Aflalo les saisit en fragments. Elle souligne l'éveil par les voluptés qu'elle suscite dans des clapotis de nacre qui creusent une profonde entaille de noir. Dans la célébration des jeux de plis ou d’arabesques, épures et anacoluthes sont enfin réconciliées. Elles  créent une insondable profondeur de vie par effet de surface. Sortant du cadre tout en y demeurant les femmes semblent en suspension à la fois dans le ciel mais aussi dans le jeu qu’elles induisent entre le vu et le caché, la vérité et mensonge.

 

La photographe recrée la nudité par effet de voile afin que jaillisse une invisibilité. Le décalage des plans empêche de réduire les formes à leurs apparences et le langage plastique à une monnaie de singe. Chez Sylvie Aflalo l’image la plus simple n’est jamais une simple image et la plus belle des déclarations d’amour n’a rien d’une chanson bien douce. La clarté de la fausse simplicité abrupte, détachée du chatoiement, crée un désir d’espace où par excès ou pudeur sont maîtrisés les fantasmes masculins qui généralement pourrissent les images.

 

Tout devient ébauche mais aussi plénitude là où le corps se montre en naissances et renaissance habilement suggérées. La vie est dans les plis qu’orchestre la photographe. Elle donne une autre assiette à l’éros et une gravité cérémonielle : la présence devient un renversement du point de vue qui est portée sur la femme lorsque les photographes mâles s’en emparent.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Voir le site de l’artiste.

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