Il
existe un gout assumé du trash et du baroque dans les portraits nocturnes que
Jean Rault a réalisé ces dernières années après les spectacles que donnent
des créatures de la nuit à Kyoto, le dernier vendredi du mois, entre minuit et
3h du matin. La scène se passe dans la partie désaffectée d’une station de
métro devenue boîte de nuit. Femmes, trans, queer dansent et chantenten playback des tubes de la culture
Pop dans une ambiance de fête délétère mais tout autant débridée. Toute cette
faune est là pour un rituel : l’hommage à Teiji Furuhashi (1960-1995),
artiste multimedia et danseur d’exception, mort prématurément du sida,
à l’âge de 35 ans. Teiji a été à la base de la folie qui s’empara des cultures
dissidentes de Kyoto.
L’artiste fut le créateur de la compagnie de
danse Dumb Type ainsi que l’événement mensuel« Diamonds are forever »
qui fut la soupape burlesque en écho au sérieux de sa troupe de danseurs. Tout
le monde marginal s’y retrouvait et devint « the place to be ». L’endroit
a perdu de sa superbe. Mais Rault saisit un Japon méconnu. Toute une “
mémoire mouvante ” résulte de ce travail de représentation kaléidoscopique. Il
entre en collision avec l'esthétique main street ou "adulescente". Le
monde est sombre mais jaillit une magie particulière peu éloignée de la
destruction comme du "burlesque". Perdure aussi une sorte de joie
salvatrice qui lutte contre l'atrophie, l'immobilisation. C'est là sans doute
la force insubmersible et subversive de la série de Rault. Son «rire » mord le monde, il permet
au regard de supporter les situations limites que l'artiste propose.
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