Disparition de  l'éditrice Christiane Tricoit

 

Depuis des décennies, à travers Passage d’encres (revue et éditions), Christiane Tricoit a défendu une littérature d’exigence. Elle a contribué à l’éclosion et à la diffusion de nombreux talents littéraires et artistiques. Sans elle le monde de la culture ne serait pas ce qu’il est.  Néanmoins l’éditrice cultiva une humilité rare dans un univers où l’égo reste une maladie. Elle vient de nous quitter à l’âge 70 ans. Jusqu’à la fin elle a poursuivi son travail au service des autres, laissant (trop) souvent sa propre parole en retrait.

 

L’éditrice et poète n’attendait la reconnaissance de personne.   Mais un jour viendra où l’apport majeur de Passage d’encres sera sans doute reconnu. Des mystères de la mangrove jusqu'au moulin au bord de la Sarre, en passant par Paris et Romainville, sa créatrice aura permis de connaître bien des voix et des images : de Jean-Michel de Vaulchier à Yves Boudier, de Pietr Lincken à Evelyn Gerbaud, de Philippe Clerc à la poésie numérique.

 

 

 

 

Travaillant sans cesse elle a essayé de réaliser une partie de ses rêves d’enfant. Ils prirent racines dans forêt équatoriale, où elle vécut jusqu'à six ans à la fois animée par la liberté et l’action de son père et l'angoisse permanente de sa mère. Elle a su garder le goût des chemins de traverse. La première image qui l’interpella fut dès 3 ans, des masques accrochés à des croix sur des tombes de missionnaires en forêt : « mon père m'interdit de toucher, attitude assez rare alors chez les Européens, certains, et non des moindres, revendant cher des objets volés ou achetés pour rien à leur retour en France. .

 

Christiane Tricoit a écrit, dessiné, photographié mais elle a privilégié la défense et illustration des auteurs et artistes qu’elle aimait et dont elle se sentait solidaire et en ne demandant rien en retour. New York qu’elle a photographié resta sa ville mythique. Et elle demeura en opposition à la société actuelle, hyper narcissique et repliée sur elle-même. 

 

Jusqu’au bout elle aura fait  de sa revue et de ses éditions les lieux où la vie surgit à l’état brut par les textes et images qu’elle contribua à défendre. Christiane Tricoit nous aura toujours saisi par l’intensité et la concentration de ses actes. Généreuse, elle le fut et elle ne se paya jamais de mots.  Dans ses textes chacun avait sa raison d’être :

« Avant que

Le gris-noir ne s’étende

Avant la nuit totale »  écrivait-elle dans « Gabao ».

Aujourd’hui le  bruit sourd du fleuve l’a emporté.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

www.inks-passagedencres.fr

 

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