Pour Jacques Ibanès, Hokusai s'est remis à dessiner le mont Fuji

hokusai (2)

Nombreuses, célèbres, mais toutes, connues ou pas, bien réelles de par le monde sont les montagnes de l’âme. Pour ce qui est de la Provence, la Sainte-Victoire en est une, le mont Ventoux aussi. La colline de Vézelay encore une autre, bourguignonne celle-là, et Bear Butt dans les Black Hills pour les Sioux Lakotas, par exemple. Il s’en trouve évidemment quantité d'autres, en très grand nombre, disséminées un peu partout sur la planète ; certaines très modestes, plus secrètes les unes que les autres, restant parfois même quasi confidentielles comme tel ou tel haut lieu du paysage reconnu et ressenti "chargé" au cours d'une randonnée solitaire ou d'un voyage en famille. 

De tout temps chaque peuple a reconnu les siennes qui, protectrices, tutélaires et inspirantes, lui sont points d’acupuncture psychique par où, y reliant subtilement le physique au mental et au spirituel, le courant passe, favorisant la création d’une cosmogonie communautaire indigène, à la fois particulière donc, et pourtant universelle, toujours bénéfique, où tout un chacun d’où qu’il soit, d’où qu’il vienne, peut prétendre puiser à sa guise pour s’y ressourcer corps et âme. Aussi bien pour le simple plaisir de la régénération des sens qu'en cas de blessure, fêlure ou fracture intérieure.
Et des poètes de tous genres en sont parfois les chantres, quelques fois même attitrés.

Entre toutes, sacrée montagne, montagne sacrée s'il en est, que le mont Fuji ! La terre y atteint le ciel : s’y rencontrent.
Seul un rêveur rêvant tout haut comme le fait Jacques Ibanès dans la foulée d’Hokusai pouvait dire et décrire en miroir – ici à multiples facettes – tout ce que les pinceaux s’appliquent à déposer ; la main ne faisant rien que se laisser guider par la déesse de la beauté et du bonheur.
Emboîtant délicatement le pas à l'esprit des estampes du maître peintre dessinateur par une écriture belle, souple, efficace, l'auteur est en parfaite osmose avec son sujet :

Des milliers de chapeaux qui ressemblent
de loin à des fleurs en marche
escaladaient et descendaient
ce mont aimé de tous
si lisse quand on le voit au loin
et si rugueux quand on le gravit.


Aussi, au débouché de cette fort poétique excursion japonaise, je me sens le regard très doucement, délicatement, lavé et rafraîchi. À souhait. Sinon neuf, du moins réinitialisé en quelque sorte ! Ravi d’entrée, il faut le dire, je n'ai donc pas eu à me laisser séduire mais, tout de suite, qu'à me laisser transporter d'aise tandis que, tout du long au fil des pages, la beauté vibrante des images s’inscrivait tranquillement en moi à mesure, comme en songe, sur l’écran intérieur.

André Lombard

Jacques Ibanès, Hokusai s'est remis à dessiner le mont Fuji, avant-propos de Catherine Hilaire, illustrations d'Anne-Marie Jaumaud, L'AN DEMAIN éditions, mai 2020, 75 p.-, 8 euros

À commander chez l'auteur : jacques.ibanes@orange.fr

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