Paris et pari de Jens Uffe Rasmussen : esprit des lieux

               


Jens Uffe Rasmussen est un grand artiste mais il est aussi poète. Poète du quotidien. Face à ces œuvres plastiques colorées et géométriques ses textes en « contre-image » proposent la vision d’un Paris sans parti-pris exotique empreinte. Sachant que « le cœur de la ville change plus vite que le cœur d’un mortel » (Baudelaire) l’auteur ouvre à un réalisme tendre mais tout autant pertinent. Il passe par les impressions du créateur comme par ceux qu’il interroge. Sobrement il leur donne la parole en évitant tout commentaire : « Chaque soir, ici devant le cimetière, nous aurons un bol de soupe, une baguette, un yaourt. C’est la mairie qui nous les donne » dit l’un deux. Le témoignage se suffit à lui-même. Pour autant la vision, si elle n’est pas exotique n’est pas plus misérabiliste. Paris est là dans sa diversité.

 

Le Marais ou le rue de la Roquette apparaissent dans les choses vues qui s’y passent. L’écriture découpe l’existence, ouvre à sa béance. Chaque fragment devient un  point d'attention - d'attention captivée. Il  n’impose pas la fixité inhérente à la peinture  mais à l’inverse propose une attente donc un mouvement. Par ruissellements fragiles et insistants  à la fois, une lumière d’entre chien et loup inonde soudain les deux textes  comme elle innerve les dessins qui les jouxtent. On ne peut  que s’y perdre, s’y consumer. Surgit une sorte d’émerveillement lucide, chaleureux mais sans le moindre miasme de lyrisme. La vie est là de tous les jours, la rue devient le seuil du visible tendu à l’extrême d’une vérité vécue. Une chaleur s’y ressent : elle donne aux deux textes leur plénitude, leur charme particulier.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Jens Uffe Rasmussen : « Marais » et « Rue de la Roquette »,  Edition (en français), Jensd Uffe Rasmussen, Svenborg, Danermark.

 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.