Monika Weiss : douleur des mondes

Dans la vidéo de Monika Weiss “Chorus of Lamentation” au milieu d’u espace sombre deux femmes bougent lentement. Une a les cheveux recouverts d’un foulard noir  l’autre pas. On entend un murmure de voix : fragments de mots, gargouillis de phrases inaudibles parfois en polonais, parfois en allemand. Les deux femmes entament un rituel sans fin : l’une se cabre en arrière l’autre s’incline. Une autre vidéo « Sustenazo »  ("Lament I") répond à un même type de rituel. Elle fut présentée en Allemagne dans un container qui rendait la vision encore plus oppressante.


L’idée d’exil et de conduite forcée sont dominantes comme dans la plupart des « solos » et des vidéos de l’artiste travaillée par le thème de la douleur et de la mort héritée de ses racines est-européennes. L’artiste renoue avec une vision de la femme : loin de l’exhibition elle avance cachée, enveloppée comme venue des confins d’autres mondes sous ses immenses vêtements ou  linceuls. Ce qui n’empêche en rien de faire surgir l’invisible, le caché. Mais il n’est pas question que les immenses textiles qui recouvrent ses femmes se mettent à voler au vent.


Le spectateur est plongé aau sein d’une monstration de gisantes paradoxalement debout mais plus nocturnes que vivantes.  Les prises de Monika Weiss absorbent la lumière mais ce qui en persiste abîme les ombres. Le voyeur peut imaginer encore l’oubli derrière le voile, il peut imaginer aussi  un ravin merveilleux  qui courberait le ciel et découdrait ses oiseaux d’un même songe. Dans la pâleur surgissent  des essaims enflammés. L’enfant qui demeure en nous rêve de soulever les pans lourds pour revivre près de la source de vie.


Se cherchent  le début et la couture du temps, le mystère englouti de la vie  là où elle semble  partir en vrille.  On se retrouve au cœur du temps qui passe en boucle. L’avenir n’est plus que cet éclat qui eut dû se produire antérieurement et plus près de l’origine. Dans cette étrange phénoménologie des images, se lient la présence et l’absence en un théâtre aussi brûlant que glacial. Il creuse le temps en tout sens. Il s’agit de résister et faire semblant de rester debout face à ces femmes qui nous montrent comment se tenir et qui , par leur regard , disent l’inconnu en elles, l’inconnu en nous.


 Jean-Paul Gavard-Perret


Frost Art Museum (FIU), Miami 2014

 

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