Ben : cogito ego sum

Avec ce livre et cette exposition Ben démontre qu’il y a en lui non seulement un artiste qui « rumine et théorise » mais un poète dont il ne faut pas réduire l’œuvre à une calligraphie de peintre en lettres. Certes il ne se fait aucune illusion  sur ce qu’on pense de lui. On lui donne dit-il  « 0/10 pour la peinture, et 8/10 pour l’énergie ». Mais on se trompe. Certes il n’a pas souffert comme Pollock ou Rothko pour autant il n’est en rien inconsistant. Au contraire. L’artiste a beau se dire victime d’Alzheimer par moments la mémoire lui revient pour sortir des tiroirs de temps une jeune fille de 18 ans. « Elle était très belle ? Cheveux châtains sur le Mont Chauve elle m'a dit ''tu veux voir mes seins ?'' et elle a soulevé son pull ». Mais il propose bien plus : la vision sur laquelle se charpente tout l’art occidental voire toutes les créations humaines. A savoir l’égo.

 

Il revient sur son énorme « trou noir » vecteur de l’énergie humaine. Sans lui point de salut, rien  n’existe : « L’égo a de l’appétit, il mange, il vit, il se nourrit d’explications de l’univers qu’il crée ». La « catastrophe » du livre et de l’exposition  prouve donc « qu’il n’existe pas le moindre petit morceau de vie sur terre, végétale, animale ou humaine qui ne soit pas égo ». Pour Ben il n’existe ni ange ni bête mais des mégalos. Sans eux l’art ne pourrait offrir ce qui est son devoir : « le changement ». Or, depuis Dada, rien n’est plus difficile puisque toute forme peut être considérée comme art. Il faut donc plus que jamais un égo surdimensionné afin d’envisager lucidement - là où toutes les formes sont acceptées et périmées d’avance -  tous les moyens « qui pourraient transformer l’art du tout au tout ».

 

On aura compris combien chez l’un des créateurs de Fluxus la folie programmée est gage de sagesse et de sincérité.  Dictés par « le désir de gloire de l’égo » l’exposition et le livre prouvent que Ben est le poète moins de l’égo que de la franchise. Il dit et montre tout haut ce que ses confrères pensent tout bas. On pourrait estimer tout cela réducteur mais tout est plus sérieux qu’il n’y paraît. Ben rassemble une idée majeure :  l’égo est la loi de la sur-vie et de la lutte contre le manque essentiel de toute existence. Que cette règle soit regrettable ou non n’est pas la question.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Ben, « La théorie de l’égo », Galerie Daniel Templon, du 1er mars au 9 avril 2014. Ben,  « La théorie de l’égo », textes, Editions Favre, Lausanne, 2014.

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L'ego, c'est comme le cholesterol, il y a le bon et le mauvais.