Goran Gnaudschun : portraits des âmes mortes

                   


Goran Gnaudschun, « Alexanderplatz », Fotohof, Salzbourg (Autriche), 218 pages, 2014.

Balzac dans « Le recherche de l’absolu » assure que « les crises de la vie intérieure ne peuvent s’expliquer que par des images ». On ne sait si Goran Gnaudschun connaît l’auteur français mais la phrase peut expliquer son unité d’imagination qui détermine l’obsédante unité de réalisation de ses portraits. Chacun d’eux devient le lieu de l’introspection : l’énigme est là puisée dans le chaos urbain auquel les modèles appartiennent. Le portrait est dégagé de toute caricature. Il rejoint le trouble et un tragique latent. La boue du monde s’imprime sur les perdants que l’artiste saisit au sein de leur dépossession : elle fait d’eux des « âmes mortes ».


Chaque portrait est lucide, sans concession. Il renvoie à une pulsion autodestructrice chez ceux qui devant l’objectif sont plus menacés que menaçants. Sous les aspects « durs à cuire » s’éprouve la fragilité de victimes, d’écorchés privés de la moindre étincelle de joie. Leur enfance pas très éloignée semble avoir été peuplée d’ombres. Le génie de la photographie tient à sa capacité à suggérer le ravage qui est moins celui des ans que celui d’une époque désenchantée. Par absence de tout pathos un sommet est atteint. Le voile se déchire parce que les modèles ont acceptés de devenir proie pour que s’éprouve l’angoisse plus ou moins consciente qui les attire vers le bas.

Jean-Paul Gavard-Perret

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