Tao Zuo : la vague et le secret

Autour du thème de la fuite du temps et de l’écoulement inexorable de l’amour l’artiste vidéaste, peintre, installateur Tao Zuo présente à Chambéry le mouvement sans fin de vagues déferlantes sur les rochers filmées au ralenti en plan fixe et en plongée. Par un dialogue implicite entre l’Orient et l’Occident et après avoir développé toute une vision de corps érigés ou courbé l'artiste par  sa vidéo suggère combien les plaisirs se muent en bourreaux sous l’effet du temps et de son expansion. Mais l'oeuvre suggère tout autant  combien  ils restent forts sous cette oppression. La vague devient l’arme qui n’atteint jamais le repos et ne cesse de faire remonter des profondeurs le désir.

 

Loin du masque bergamasque du réel rugueux l'eau  décuple paradoxalement la force tellurique de l'ivresse et de la vitesse. Elle fend le temps de la puissance de son mystère. D'une certaine manière elle se fait sadique puisqu'elle ne provoque que du passage. Dessous il y a la bête. Le saint dessus chante dans le supplice de ce qu'on appelle l'humain. Elle reste l'implicite, la mère armée, le trou d'énormité qui ne peut se vider. Elle seule pourtant « baise » le temps en établissant des bleus à l'âme. Mais qu'importe. Tao Zuo sait que qui veut filmer le sexe ne raidit rien qui vaille. C'est pourquoi pour parler le désir il choisit la vague et son infusion qui n'en finit pas de passer. Elle est fœtale, se moque des genres. Son eau devient un rhum au goût d'arum  et aux clous de girofle dont le Christ Roi fut scellé.  Mais de la vague il ne connut que la surface : Tao Zuo à l’inverrse la pénètre. Il fait de son fluide la grande élégie du secret indicible. Il émerge ici en énigme et en miroir selon des dissemblances déraisonnables et des révélations sans vraisemblance : celles que la poésie visuelle accorde à la profondeur océanique des abysses humaines et animales.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Tao Zuo :  «Tao, La Grande Vague », à la salle du Scarabée, à Chambéry, du 17 au 26 juin 2014

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