Jacqueline Devreux : désirables désirantes

                   


Les jeunes filles en uniformes n’ont rien de gendarmettes. Dernière étape d’un parcours qui commença avec des autoportraits, ces femmes osent la séduction - sans doute pour que leur attente soit plus brève. Jacqueline Devreux ôte (partiellement) leur voile, tire les rideaux, les ficelles. Le fonctionnement reste secret dans les friselis textiles. Il y a fort à parier que l’ogre qui croiserait le chemin de telles égéries voudrait les emmener dans les bois.  Mais ce sont elles qui lui font boire une potion magique. De celle qui réveille les morts, donne courage, dégrafe les corsages dont  les vestiges gris argent brillent sous une lumière troublante, épaisse. La nuit venue les ombres y disparaissent comme à la surface d’un sirop enivrant.


Chaque femme devient une fée. Elle découvre juste ce qu’il faut son secret. Elle devient un  cirque de pétales, une lunaison et surtout une légende. Il n'est pas de nuit si profonde qui ne l’empêche de la voir. Pour les hommes l’arrivée de telles femmes est rêvée : pour elles il ne s’agit que d’un passage. Leur corps de lumière s’offre. Il fait perdre le fil et non la poudre d’escampette.  Jacqueline Devreux oblige à les regarder et à imaginer leurs lallations orgasmiques de sultane.  Elles marchent  dans la nuit comme  Tintin sur la lune, traversent la rouille des lichens, les bistres des varechs. Elles ne proposent rien sans un sens certain du rite. Certains les nomment louves parce qu’ils ne les connaissent pas. En savons-nous plus qu’eux ? Pas sûr. Mais qu’importe. Chacun les espère  cailloux dans sa chaussure, voire diablesses. Et voudrait faire tout pour ne pas se laisser séduire : tout sauf, bien sûr, le nécessaire.


Jean-Paul Gavard-Perret


Jacqueline Devreux, Galerie Pierre Hallet, Bruxelles.


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