Dressé sur des cavernes et des crimes : Martin Bruneau

Martin Bruneau d'origine canadienne vit et travaille désormais à Autun. Quoique se référant à l'histoire de la peinture (Rembrandt, Velasquez, Van Dyck, Goya, Gainsborough, Poussin, Zubaran, Philippe de Champaigne) l'artiste riche de ce passif culturel s'en dégage pour défendre la "peinture-peinture" face aux pratiques pluridisciplinaires qui fleurissent trop souvent dans le bricolage. Par ses combinaisons figuration-abstraction - où l'une n'existe que par l'autre et vice versa - l'artiste crée un mouvement inédit dans l'art et permet de reposer la question de son sens. Des corps pris à la gorge dénudés tout au long du chemin de leur existence débouchent dans une peinture riche d’émotions. Mais comme chez Baselitz ou Richter la figuration n'est pas perçue comme un élément servant à illustrer une trame narrative. Elle ouvre à une abstraction où se projettent des failles, des tensions et la violence épinglée sur des fonds lumineux. Surgissent une forme de croyance dans la peinture et surtout sa sublimation. Le silence des gisants permet de mettre à nu l’énigme du monde par effet de reprise et de germination. L'œuvre demeure donc au centre de l'interrogation sur l'art du temps. Bruneau souffle sur ses braises. Et par le feu de ses métamorphoses il cherche à unir ce qui est séparé : le soleil à la terre, la mort à l'existence. Avec de plus en plus de  maîtrise il avance dans l’inconnu. L’espace intérieur sans fond prend forme à travers une représentation sans concession. Dans la fragmentation, la stratification, l’éclatement, la césure Bruneau prouve que le réalisme est une étiquette vide et réversible. Avec le plasticien la "figuration"  devient un réalité sur lequel le réel ne peut plus se plaquer et où la peinture trouve une harmonie qui n'a rien d'imitative. L'horreur côtoie le sublime dans une théâtralité rarement égalée. Même dans la mort le corps est le plus vif : il demande à l’artiste de poursuivre ses empreintes et d’outrer de cri inouï de celles et ceux qui se sont tus.


Jean-Paul Gavard-Perret


Martin Bruneau, « Fragments », Galerie Isabelle Gounod, Paris du 8 novembre au 20 décembre 2014.

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.