Guido Pierini a eu la bonne idée des réunir deux peintres dont le « nouveau réalisme » se dégage de ce qu’on entend généralement par ces deux termes. Le réel est là, tel qu’il est. Mais dans une sorte de délabrement proche de ce que Paul Virilio annonce dans « Ce qui arrive » : à savoir une certaine idée de la catastrophe au sein du quotidien. Edwige Fouvry et Lou Ros mettent en tension la réalité  là où les êtres sont comme des crucifiés en attente du délabrement dans une sorte de trivialité du monde mais sans que le goût de l’outrance soit caressé. Bien au contraire. D’où le titre de l’exposition « Apparitions, disparitions ». Tous dans les deux œuvres est de l’ordre du démembrement, de la perte d’équilibre et d’une chute promise. L’éros demeure mais ce qui reste de vie l’entraîne vers la mort. Elle ne relève pourtant pas de l’exhibition trash de l’atrocité. Les narrations l’enduisent mais elle reste en suspens.

D’autant que cette grande désillusion du monde demeure réenchantée par Mélusine et son compère. S’identifiant aux miasmes charnels l’art chez les deux artistes refuse d’en montrer que la "charogne" baudelairienne. 

Dans l’expression de la détresse reste un éclair vital. Le réalisme en son urgence trouve un langage nouveau où la douleur reste insaisissable comme s’il existait au sein de l’abîme un espoir. Les précarités, les situations vulnérables deviennent - au sein même de la fixité des mises en scène - des stratégies d’anamnèses. Elles se superposent à toute forme d’instantanéité et d’amnésie de temporalités et de localisations. Et si le pouvoir des images est ici tributaire de l’histoire de l’art comme de celle du quotidien, les deux artistes cristallisent dans des « narrations » sidérantes ce qui laisse poindre une forme d’assomption.

Jean-Paul Gavard-Perret

"Apparition, Disparitions" : Galerie Guido Romero Pierini présente les peintures de Lou Ros et Edwige Fouvry à l'espace Joseph du 28 au 30 novembre 2014.