Sylc et les après-midi des chiens

 Avant même et après la parole, au début comme à la fin de l'histoire il y a eu, il y aura le chien. Il nous "fait" à son image. Il reste l'"étranger" qui nous lie au peu que nous sommes. Avec Sylc il habite la peinture, brouille la mélancolie même si nous sommes plus ses esclaves que ses maîtres.

 

L'artiste peint et dessine les chiens comme Cézanne peignait ses pommes. Elle montre comment ils nous accompagnent et se cachent en nous. Quoique nous fassions ils nous habitent. La peinture ose leur intimité, leur risque. Dans l'œuvre il  coagulent nos fantômes et ceux de l'histoire. Et l'artiste n'a cesse de les aiguillonner pour en accentuer le museau et les griffes mais surtout pour circonscrire l'espace qu'ils envahissent en nous en fabriquant une perspective que nous voulons ignorer.

 

En conséquence, avec Sylc les chiens nous affectent sous le mode de l’incompréhension sidérante. Il suffit d’entrer dans l’épaisseur de la couleur rouge de leur instinct vital, carnassier et fouineur tel que l'artiste le représente. Elle saisit leur peau et la sourde énergie de leur immense réserve sauvage. Ses chiens créent les clôtures d'une intimité agissante qui nous dépasse. Ils nous plongent dans leur "indifférence" au sein de nos galeries intérieures où ils  demeurent tapis.  La hantise primitive de l’animal renvoie donc à celle du monde. Le chien en symbolise l'énigme. L'artiste l'ausculte, le montre. Une autre face du monde se déploie. Ils renvoient  à une frontière  entre le dedans et le dehors. Nous sommes conquis en leur territoire et non pas en territoire conquis tant il nous méduse.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


"La ronde des chiens fous", Le Château d'eau, Bourges, à partir du 20 mars 2015. Livre éponyme, 10 Euros, 2015.

Sur le même thème

1 commentaire

Alizée

Le travail est

Magnifique