Mariken Wessels : Le su et l’insu

                   

 

 

La photographie semble un art "facile", qui plus est - numérique aidant - chacun peut se prétendre photographe. C’est pourquoi souvent sont considérés comme « photographes » des faiseurs qui ne nous offrent que des « clichés »  sortes d’assignats inutilisables parce ces preneurs d’images ne savent pas qui ou quoi ils regardent. Ils ne saisissent rien sinon du pittoresque ou de l’anecdotique qu’ils estiment immortel. Loin de ces fausses archéologies du fugace  Mariken Wessels, à l’inverse, a compris qu’il ne faut jamais rechercher le prétendu marbre de l’identité supposée d’un portrait mais sa « terre » friable à coup d’images qui lui échappe. Elle prouve que la photographie, la “ vraie ”, ne mène pas où l’on pense accoster.


Mariken Wessels ne reste jamais à la surface d’une naïveté surfaite. Elle aime explorer des réalités « irréelles » : à savoir celles d’absences qu’il s’agit de recomposer à travers la traque photographique. « He was there” traque la présence d’un homme de manière anthropologique à travers ses lieux et ses indices. Il y à la tout un travail de voyeurisme. Mais il se renverse au sein d’un matériau iconographique comme étranger à lui-même. Les photos sont assez énigmatiques pour laisser le doute sur savoir qui regarde qui… On ne sait plus si le lieu d’exploration est le véritable jardin de l’homme ou s’il se transforme en zoo dans lequel cages et allées des visiteurs sont interchangeables.


Avec « Don't forget » l’artiste néerlandaise crée une manière de remonter les archives de « notre » passé. Celles présentées ici sont montées comme des traces de notre expérience et de notre identité devenues interchangeables. Elles se coagulent et s’enregistrent pas forcément selon un simple principe chronologique. La mémoire ne cesse de s’altérer et l’artiste le prouve par son montage. Elle présente des images enfouies qui certes ne sont pas nôtres mais permettent de faire comprendre les tourments et les accidents de mémoire. Il n’y a plus de bouée de l’identité mais plutôt son aliénation proposée par des images oubliées que  l’inconscient aurait caviardées.

 

Pour son projet « He was here » l’artiste est allée chercher sur Internet un homme qui appartenait à son propre passé. L’ensemble recrée son environnement. L’homme est convoqué. Mais jamais par sa présence directe. Là encore la bouée de l’identité est donc percée.  Reste le travail de la mémoire et de  l’imagination de la photographe. Elle inscrit avec cet être  une étrange dialectique qui transforme le passé en un incessant devenir. Le tout crée une nouvelle mémoire voire un paradoxal futur antérieur. Preuve qu’en grattant sous la surface identitaire se découvre une masse de connotations et de significations et ce jusque dans la vision de l’éros blanc que l’artiste métamorphose en noir.


Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

"Black Flasback”, "Who", "Ha was Here",Mariken Wessels, Amsterdam

 

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1 commentaire

anonymoooouuuus

J'aime beaucoup! Et l'artiste et votre article! En effet, la photographie telle qu'elle est aujourd'hui, est décriée... à juste titre souvent d'ailleurs; mais pour ceux qui font passer leurs émotions et ressentis dans l'image, argentique ou numérique, le frisson passe.... :-)