Alison Bignon : fragments de présences, sophistication du minimalisme

Dessins et gravures d’Alison Bignon propose le plaisir de songes. A coups d’incision, de griffures, de lambeaux de couleurs surgissent l’immense et l’intime, le ferme et le fluctuant, le furtif et évident. Couleurs acidulées, fins tracés et faufilés de cousette, architecture de déliés, espaces interposés : tout devient frontière fragile. Se créent un maillage et un charivari. Le passage par la Corée de l’artiste lui a permis de se mettre encore plus en  harmonie avec le raffinement subtil dont ses œuvres témoignent. Ses thématiques foncières ont gagné en élégance incarnée dans une fugacité cyprine : dessus, dessous, sur les côtés tout est soufflé d’une mouvance contagieuse.  Alison Bignon « sonorise » l’air et les éléments qu’elle déconstruit et qui y errent selon une énergie légère.

 

Dans chaque œuvre à la blancheur immaculée  les fragment retenus, déposés emportent dans le chas et le tourbillon de  rêves où chaque pensée reste brûlure.  Et soudain au milieu de tels songes le monde se perd en dérive chorégraphique. Dans le vide et la blancheur du support gaufrages, lavis, encres ouvrent à une liberté et une poésie sophistiquée offerte par une technique parfaite. L’émotion semble intacte dans la délicatesse d’un tel travail. Tout est en suspens, en vertige afin de prouver que chaque sensation est complexe.

 

Par la hardiesse des entrelacs, des formes et de couleurs, Alison Bignon suggère une beauté particulière dans un art qui semble le plus simple mais qui demeure le plus difficile. Ses empreintes de rien deviennent des empreintes de tout et sont autant de procédés d’une inspiration majeure. Derrière les faux-semblants, les faux-fuyants, les pirouettes l’artiste reste toujours originale.  Il ne s’agit plus alors de retrancher quelque chose à ce qui est déjà de l’ordre de la disparition mais, dans un imaginaire d’élévation, de redonner vie au quasi impalpable dans un jeu d'espacement et de mouvement.

 

Procéder de la sorte revient à gratter le refoulé, à produire de l’inconscient par la matière plastique et ses incisions. Mais pas n’importe quel inconscient : celui dont Deleuze parle en ces termes : “ vous ne l’avez pas, vous ne  le possédez jamais, ce n’est pas un “ c’était ” au non duquel “ je dois advenir ”, l’inconscient vous devez le produire, ce n’est pas  du tout l’affaire de souvenirs ou même de fantasmes ”. L’inconscient c’est ce qui redonne vie à la matière pour une autre vision. D’où, chez Alison Bignon,  la “suite” de signes plastiques, leurs jeux de lignes, leurs danses. Ils deviennent les ferments de relations à soi et au monde. ¨

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Alison Bignon : "Fragments", DE RE Gallery, Los Angeles 2015 & "Carte Blanche", Théâtre Rutebeuf, Clichy, juin 2015.

 

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