Les dialectiques de Sarah Battaglia

                   

 

   

Pour Sarah Battaglia dessiner revient à donner de l'existence à ce que Quignard nomme la « nuit sexuelle ». Nuit première qui nous échappe mais nourrit angoisse et désir. D’où chez l’artiste la rémanence de thématiques et de genres  qui permettent de revisiter l’histoire de l’art : la vanité se décline en plusieurs moments (le crâne redevient mangeur de chair comme pour se régénérer dans le jeu d’éros et de thanatos), la présence de papillons crée des  présences au fort potentiels névrotiques. Le dessin devient chez l’artiste savoyarde la recherche de l'écriture la plus simple (donc la plus difficile) si bien que si l’œuvre appelle l’écriture elle précède la pensée, l'anticipe, pénètre des lieux inconnus où le dehors fait le  jeu du dedans.

 

Ce qui pourrait être uniquement morbide est facétieux. L’inverse est vrai aussi. Dès lors l’artiste devient une philosophe instinctive et en acte. L’angoisse est omniprésente mais le dessin en provoque une jouissance par l’ambiguïté qu’il crée. Refusant tout pathos Sarah Battaglia  prouve que  la vie fait  résistance. Soudain la coque du scarabée humain éclate et l’humaine phalène se brûle à la lumière en un univers nocturne. Le féminin le contemple, joue dedans afin de faire parler le corps sans pour autant l’exhiber. Sinon telle la vanité citée plus haut. Mais pas n’importe laquelle : le défunt y demeure sursitaire. Bref  l’artiste nous apprend  « la forcenée stupeur » dont Topor parlait. L’artiste en est une  magnifique héritière. Comme lui elle multiplie la perte des repères pour faire parler autrement la figuration dans la dialectique de la vie et de la mort, de la lumière et de l’ombre.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Sarah Battaglia, « L’œil de la  phalène », cycle Intérieur Féminin, Cité des Arts, Chambéry, du 3 novembre au 11 décembre  2015. 

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1 commentaire

Coolman

JPGP a justement analysé le talent d'une artiste qui donne sens et contours aux images " extraillées " de son identité .