Jan Saudek face à l’innommable

                   


 

Né en 1935 Jan Saudek a vu son enfance marquée par les  horreurs du nazisme. Plusieurs membres de sa famille sont morts dans les camps et lui-même fut interné avec son frère jumeau et échappa de peu aux tortures de Mengele. Survivant, il s’intéresse  à la peinture ainsi qu'à la photographie. En 1972, il transforme un sous-sol en studio. Ses premières photographies sont en noir et blanc, recoloriées par ses soins. L’artiste est marqué par les scènes atroces des camps et ses images reflètent ses pulsions de mort et ses fantasmes sexuels. Ses nus féminins ont une beauté provocante qui peut choquer. Suspect dans son propre pays, il travaille en usine pendant plus de 30 ans. En 1984  les autorités communistes le reconnaissent enfin comme artiste. Mais souvent menacé de censure par les autorités, il se défend de l'accusation de pornographie : « La différence entre la pornographie et l'art est selon moi très simple. Vous pouvez regarder l'art indéfiniment alors que vous ne pouvez jeter qu'un coup d'oeil à la pornographie avant de la laisser. »

 

Dans des décors délabrés de lieux en abandon ou en ruine la laideur des lieux est métamorphosée par la présence d’êtres offerts parfois dans une nudité sans fards parfois dans des vêtements étranges. Sous la dureté lumineuse de territoires de friches à la banalité inexpressive, l’artiste retrace la tension entre, la vie et la mort, le rêve et la réalité. Au sein de ce qui semble marqué par l’agonie surgit la revendication à la survie. Jan Saudek cherche à provoquer la rage de la vie même à travers des protagonistes parfois abîmés physiquement par l’existence. L’artiste explore cet univers dans lequel il a dû patauger avec eux et pour lesquels il garde un amour total.

L’inexorable est là. Mais la pulsion d’éros demeure aux limites de la jouissance ou de l’abattement. L’usage de la surexposition ou à l’inverse de la sous exposition altère  parfois et volontairement la perception des être comme les altèrent les voiles qui les recouvrent parfois par pudeur ou pour signaler une forme de chosification. L’artiste reste l’observatoire d’un monde énigmatique et précaire. Des « chiens » rodent hors champs : leur présence est latente.

Jean-Paul Gavard-Perret

 

 

Jan Saudek, “Saudek & Saudek 80" Gallery of Art, Prague, 24 avril 2015, 31 janvier 2016.

 

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