Les femmes de Florence Dussuyer sont d’habiles traîtresses
ou plutôt non : l’artiste elle-même trahit le voyeur. Elle se joue de lui
par les charmes occultes et oniriques de
ses belles endormies (ou presque). Eros rampe en un univers allusif. Surgit le mirage d’évocations
aporiques. La peintre glisse des indices dans un jeu de piste qui feint la
discrétion. Si bien qu’une proximité du désir est évoquée. Mais si le seuil des silhouettes demeure
infranchissable. Elles sont là, elles sont loin.
Certaines poses sont enveloppantes et fœtales d’autres
plus relâchées. Reste - jusque dans la solitude ou l’endormissement - une
instance flottante. Le jaillissement de l’intimité est à peine caressé au
moment où le corps féminin semble en une perte de contrôle puisqu’il se laisse
aller. Néanmoins le secret vient une fois de plus affirmer son autorité. Rien
ne sera dit de situations en suspens. L’imaginaire du regardeur butte sur celui
de l’artiste : il se demande si les perspectives que celle-ci suggère ne
sont pas tout compte fait des chausses trappes. La fluidité de la peinture ne
permet pas de se rincer l’œil même si le regard se laisse submerger par des vagues de présences ambiguës. Ellesproposent
un ensevelissement plus qu’une prise.
Jean-Paul Gavard-Perret
Florence Dussuyer, « Profumo di Donna », Galerie Ruffieux-Bril, Chambéry, mars-avril 2016
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