Jacquie Barral : le paysage et son double

                   


L’intimité avec l’invisible du paysage « suffit » à l'art de Jacquie Barral. Il reste inséparable d’une pré-visibilité pas encore formulée et d’une ressemblance que nous ignorons encore. Il ne faut pas y chercher l’ailleurs mais l’ici-même dans l’ascèse et le recueillement. L’artiste se « contente » d’aller vers ce qui, se captant ou se créant, ne se pense pas encore. Son œuvre s’éloigne autant du luxe de pacotille que de la réserve de l’avarice. Elle s’avance nue, dépouillée, libre, chargée du seul désir de vie sans la moindre certitude sur ce qu’elle rameute dans l’effondrement des preuves néo-réalistes que l’artiste concasse. Elle essaye simplement à toucher une sorte de justesse interne par effets de surface, de trais de crayon, de collages qui transforment les victoires en défaites, les défaites en victoires (provisoires) sur le temps.

L’artiste descend, descend dans le réel. Elle n'a pas peur que la terre lui manque et ne craint pas sa force de gravité mais elle sait s’en détacher. Son œuvre garde une vocation fabuleuse. Elle fait reculer le chant des certitudes et met une grâce dans les pesanteurs.


Dans l’exposition émerge un phénomène d'enlacement. L'image se manifeste comme apparition mais indique quelque chose qui ne se manifeste pas. Il y a là un phénomène indiciaire aussi subtil qu’étrange et qui tient lieu de trouble. Il ne signifie  pas simplement : il annonce quelque chose qui se manifeste par quelque chose qui ne se manifeste pas. La réalité « vraie » est remplacée par une sorte d’indiscernabilité mise à jour à travers l’épreuve de la disjonction qui tient d’un soulèvement, d’une élévation. La révulsion du simple effet de surface joue pour créer une ouverture énigmatique. Le regard devient abyssal face à une œuvre qui n'est plus surface enrobante mais une surface qui dérobe et se dérobe. Elle devient l’interface agissante entre le sensible et le sens, le possible et l’impensable


Le travail de Jacquie Barral est donc producteur par excellence de paradoxes. L’artiste ne refuse pas – ce qui serait trop sommaire mais hélas trop souvent exploité par des artistes à l’imaginaire exsangue -  le « cadre ». Elle l’envisage au besoin de manière plus souple. Elle y remet en jeu une fable inconnue selon divers supports. Le dépôt de la substance imageante se trouve déplacé du côté de l’effluve, du souffle voire quelque fois de sa structure sous-jacente. Le paysage devient  plus qu’une déterritorialisation un écrin à hantises. Que demander de plus ?

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Aux éditions Fata Morgana, Pointe du crayon – Punta del Llapis,(traduction de M.Ll. Sabater),

« Pointe du crayon – punta dell lapis », dessins et peintures de Jacquie Barral, Maison de la Catalanité du 26 aout au 7 octobre 2016.

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