Julia Amarger et la musique du silence

   

Julia Amarger ne cherche moins à rassembler un monde qu’à le défaire. Il n’est pas jusqu’aux mots - qui surgissent ça et là de manière implicite ou métaphorique - à s’effacer. Tout un jeu entre un protagoniste anonyme et la créatrice emplit l'espace de manière sourde par une rythmique particulière de l'Imaginaire.  Est suggérée l'affirmation d'un manque, d'une incertitude d'être.  Surgit en conséquence une musique du silence dans divers types de suspens.

Julia Amarger permet l’érection d’une zone dans l'esprit humain (en son rapport à l’autre) qui ne peut être atteint que par la photographie. Existent le monde phénoménal d’un côté et sa présence à lui de l’autre dans un travail de dépouillement où tout devient impalpable. L’artiste souligne  le manque, la  vacuité, l’absence. Il convient au regardeur de remplir le vide que l’image suscite en son creux là  où l’émotion est  exempte de pathos.

 

Chaque photo devient une gaze de temps morts, d’intervalles où rien ne se passe au sein d’un  étirement du temps. Elle rappelle en filigrane ce que Beckett évoque dans, « L'Innommable » : "Il faut continuer, je dois continuer, je ne peux pas continuer, il faut continuer". De l’image jaillit néanmoins un envoûtement au moment où  elle devient la didascalie du silence en une saisie qui échappe aux schémas vitaux de l’imaginaire classique. Preuve que tout acte de création est un acte de résistance, mais, comme le précisait Deleuze, il ne peut résister « que s'il possède une force de décréer le monde pour en faire d'abord une musique du rien". Ou presque.

Jean-Paul Gavard-Perret

Julia Amarger, « Infiniment humain », exposition du collectif Diaph 8, Maison de la Photographie Robert Doisneau de Gentilly, Septembre-octobre 2016.

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