Anne-Sophie Tschiegg et la brume agissante des formes

    
               

Anne-Sophie Tschiegg explore la puissance des couleurs par celle du geste dans ses tableaux. Ils se développent selon des formes rondes sur le fond blanc ou rayé de toiles parfois  laissées en partie « vide ». Cette simplicité d’apparence reste pourtant des plus complexes. La fascination se crée par ce qui s’opacifie, se matifie ou à l’inverse devient éclatant et gagne en luminosité : tristesse et joie se confondent sans que l’on puisse dire quelle impression domine. Tout reste donc de l’ordre du mystère travaillé à la fois par une technique puissante et une sensibilité rare.

Sans cesse l’artiste aime nous perdre en des torsades. Par leur nature même elles créent une disjonction tout en entrant en rapport les unes par rapport aux autres.  La peinture – volontairement - ne comble pas tout à fait certaines failles. A la fois elle rassemble  et rompt pour déboucher sur une zone inconnue des rives qui d’ordinaire ne se laissent pas atteindre. Anne-Sophie Tschiegg les atteint.  Douceur, plénitude mais aussi sécheresse affectent cette effraction que devient la peinture dans son exigence la plus hautaine.

Ce n’est donc pas seulement une pensée qui porte vers elle mais une sorte de demi-sommeil. Il n’exclut pas la lucidité. Le regardeur pénètre les cercles d’un pays intérieur ignoré mais comme perçu. Anne-Sophie Tschiegg donne donc à voir un autre monde qui se dessine et dont le flux persiste. Chaque œuvre rapproche de la lisière brouillée de la pensée. Et malgré un certain vide que ce travail engage, surgit  le lever d’espérance. On s’abandonne aux impressions afin de toucher par la peinture la troublante présence au monde.

Jean-Paul Gavard-Perret


Anne-Sophie Tschiegg, Galerie Philippe Decorde, Strasbourg, du 8 au 22 octobre 2016.



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