Jeffrey Silverthorne : game over

 



L'amorphe, l'inanité, le « blank »  de l’Anglais (cette couleur particulière, sorte d’ombre  étrange entre le brouillard et la transparence), le blanc et le gris créent chez  Jeffrey Silverthorne ni drame ni  jeu, ni envers ni  endroit, et pas plus un bien et un mal, un blanc et un noir. L'énergie des (rares) personnages encore vivant  se perd, se dilue, comme affaiblie en une extrême limite.

Elle semble ni formatrice, ni conductrice tant son niveau est bas dans le pétrissage et le métissage de l’ombre.  Mais cette dynamique du creux porte l’image à la valeur d’aura et donne à l’œuvre sa paradoxale puissance.


Jeffrey Silverthorne place  de la sorte sa recherche dans la dialogue  artiste et modèle au sein de huis clos parfois mortifères. Ils ramènent à la peinture italienne classique et baroque. Le photographe les évoque à l’aide de mises en scène performées par acteurs et actrices. Le nu féminin ou masculin et l’autoportrait dominent dans l’œuvre dont la plus célèbre série « Morgue Work » (1972-1991) concentre une esthétique du proche et du lointain. Le corps devient une sculpture funèbre sidérante de gisants postmodernes créés par des photographies « live » (si l’on peut dire) ou par montage. Jusque dans ces corps comme dans ceux de la vieillesse Jeffrey Silverthorne tente au-delà du monstre et de l’horrible à prouver que le désir résiste dans les dispositifs de tableau vivant.
Ces narrations plastiques  créent en  leurs douteuses évidences des cassures dans l’absence de réaction aux dynamiques du réel. Mais les formes dépassent les dualités et oppositions vie/mort afin de montrer la complexion et la complexité du réel par ce qui en est apparemment le plus éloigné mais en charpente la critique subtile, poétique et intelligente.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Jeffrey Silverthorne, "Studio Work", Galerie Pascaline Mulliez, Paris, du 3 novembre 2017 au 7 janvier 2017



 

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