Clémentine Belhomme ou la photographie générative

                   

Dans ses anamorphoses Clémentine Belhomme met le corps en déséquilibre et parfois en morceaux. Elle use au besoin du collage et de la citation dans une atmosphère où éros combat thanatos en un romantisme surréaliste. La vie ne tient qu’à un fil mais celui-ci sert à recoudre, en des bateaux ivres,  la chair qui se fait insolente. Les femmes, si elles ne promettent rien, donnent tout avec un air  mutin. Parfois nus leurs corps jaillissent au moment où la photographe recompose leurs mouvements.
Il tient la pose ou est sur le point d’entamer une parade  nuptiale. Un univers de délices est là. Et les seins quoiqu’en noir et blanc sont faits pour la bouche. Laçage, démâtage, nuées de nudité : une jupe laisse voir entre ses laps l’intimité de la femme. Mais les fractures et mises en scène se refusent à proposer une interprétation anecdotique ou primesautière.  Si bien que parfois la solitude semble absolue mais jamais idéale. 

La photographie devient un moyen de quitter le monde pour découvrir une  autre vie.  Les rêves  tournent tous autour de l’idée de fuite même s’il existe un retour vers le passé par l’entremise de vieilles photographies sources de mystère. Elles inspirent la créatrice animée d’une compréhension naturelle du symbolique et du merveilleux. A partir de telles bases Clémentine Belhomme invente des  perspectives enchantées.

Féministe par son appréhension du pouvoir des structures qui fonctionnent dans les lignes de démarcation de la notion de genre, elle travaille des « changes » à travers les formes déconstruites comme pour mettre à mal la passivité  féminine que souligne toute l’histoire de l’art fait par et pour les hommes. Intrépide, il y a de l’Olympia  mais aussi du Manet chez l’artiste. Elle sait que l'appareil photo miroir ne renvoie pas d'analyse.  C'est à l'œuvre d'art de la proposer à travers des œuvres baroques, intimes, lyriques, parlantes. Chaque cliché est chargé de sensualité mais aussi d’ « ethernité ».  L’image aussi pieuse que vénéneuse devient l’offrande ou le signe d’un miracle de l’amour. Il fait que plus on donne, plus on doit donner. Ce n’est pas un modèle déficitaire mais génératif.

Jean-Paul Gavard-Perret

Clémetine Belhomme, Exposition, Corridor Elephant, Paris, Décembre 2016

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