Dans les coulisses de l’histoire

L’histoire serait, qui n’a entendu ces mots, une « passion française ». Sans aucun doute. Chaque génération la reçoit et la perçoit comme un héritage individuel et collectif. Elle nous renvoie à un passé universel duquel nous serions censés tirer des leçons pour le présent. Mais on le sait aussi, ne se répétant jamais à l’identique, ses enseignements sont ignorés, à tout le moins détournés. Avec Paul Valéry, faut-il affirmer que « l’histoire justifie ce que l’on veut, elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout et donne des exemples de tout ». L’actualité ne montre pas le contraire. Alors pourquoi l’étudier ? Parce qu’elle constitue un lien humain, elle représente une mémoire partagée, elle fonde une identité. Ses énigmes dévoilées expliquent les actions révolues, elles permettent d’éclairer, même faiblement, des événements oubliés aux conséquences qui se prolongent encore. Ouvrir les rideaux de l’histoire revient à entrer dans les coulisses de ce théâtre d’ombres dont les protagonistes gardent toujours quelque chose de vivant. La cour de France n’a pas dérogé à la règle des intrigues et des sentiments qui influent sur le cours des faits et en infléchissent le sens.

 

Ayant abordé dans de précédents ouvrages les vies et les gloires des princes qui ont gouverné le pays, Françoise Surcouf, dans ces deux nouveaux livres, étudie les relations avouées et en même temps inavouables qui fleurissaient dans le royaume. On entre à sa suite dans ce carré privilégié qui relie les rois et les reines aux galants et aux favorites, selon des diagonales parfois diaboliques. Dans ce damier de dates, depuis les origines des dynasties qui se sont succédé sur le trône, les rôles se sont répartis entre ce qui sembleraient être les bons et les méchants, les loyaux et les félons, les courageux et les couards, les laborieux et les oisifs, sans distinction de genres ni de conditions. Après Clotilde la pieuse vient Frédégonde dont l’auteur nous dit qu’elle tenta, entre autres crimes, « d’assassiner sa fille Rigonthe qui lui résistait » ! Non mais ! Louis XII eut « sa petite Brette » comme le bon et vert Henri IV entretenait à Nérac « une petite douzaine d’amies ». Les points d’interrogations se posent sur bien des noms célèbres. L’exemple de la paternité de Louis XIV, autour de laquelle se colportaient chansons et rumeurs et qui longtemps agita les chercheurs, est une de ces questions que la science a depuis résolue, suite aux travaux génétiques menés par une équipe scientifique franco-espagnole que ces pages confirment.

 

Omniprésentes ou discrètes, agissant de mille manières, usant des poisons comme de leurs charmes, les femmes occupent sur la scène royale et dans les alcôves princières une place éminente. Elles ont des rôles de « souffleurs » par qui heur et malheur et donc heurts ou bonheurs arrivent. Elles ont participé à cette histoire plus ou moins occulte que, dans son second livre, Françoise Surcouf aborde par le biais de ce qui intéresse tout le monde, les secrets. On les oublie, on aime à les relire. Sombres manœuvres, agissements cachés, trahisons feintes, perfidies véritables, ils équivalent à autant de tournants et de retournements politiques, c’est-à-dire de renversements et d’alliances de familles, d’amours, de fortunes, de terres, de titres.

 

 

 

Isabeau « la débauchée », Catherine de Médicis en dame de fer, Claude la reine des douceurs, sans omettre « una granda puttana », sous les beaux atours et les visages gracieux, les sentiments les plus délicats se tissent avec les intuitions les plus perverses. La noblesse la plus haute côtoie l’aristocratie la plus vile. Ainsi de cette Antoinette de Maignelais, « une ardente luronne qui avait rôti le balai » avec plusieurs galants au sang bleu. Les illustrations, souvent tirées de tableaux et de gravures, accompagnent un texte qui se lit avec plaisir. Il ne s’agit pas ici de réécrire l’histoire. Il s’agit d’intéresser le grand public à ses racines et de l’inviter à les enrichir selon ses passions, justement.

 

Dominique Vergnon

 

Françoise Surcouf, Rois, reines, galants et favorites, amour, intrigues et pouvoir à la cour de France, éditions Ouest-France, 144 pages, 22x26, novembre 2016, 30 euros.

Françoise Surcouf, Histoire secrète des reines et princesses de France, éditions Ouest-France, 144 pages, 140 illustrations, 13,5x19,5 cm, février 2017, 13,50 euros.

 

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