Rod Mengham en villégiature chez Agnes Thurnauer

 

Rod Mengham est professeur à l’Université de Cambridge, directeur des expositions au Jesus College de la ville, poète et critique d’art. Il  utilise  le parti pris osé d’Agnès Thurnauer afin de pousser plus loin l'analyse de la peinture. Dans les œuvres « deaf » (sourdes) de la créatrice l’audible se transforme en visible. Désormais célèbre pour ses « portraits grandeur nature » où les artistes réduits à leur nom changent de genre (« Jacqueline Lacan », « Jeanne Galliano », etc), la créatrice fait référence à la grande tradition du portrait dans l'histoire de l'art pour la déconstruire.

 

 

Le nom devient une forme en soi. Il se détache sur les immenses badges ou sur une demi-sphère en plan américain pour ironiser  un marché de l’art avide de signature. Mais le regardeur est aussi séduit que piégé par d'autres stratégies complexes plus que conceptuelles. Tordant le cou à la fluidité du monde de l’art, Agnes Thurnauer montre comment « La fin a pris le commencement de vitesse. Ici, la peinture est en jachère, en attente ; l’attente d’une germination ; inspiration, expiration ; étreignant ses propres limites, comme un sentier en lisière de champ qu’on débroussaille à la hâte »

Des courbes tendres ressemblent à un bateau ivre ou à la jungle des possibles. Restent de purs sillages en lieu et place de la réalité du monde comme de l’art. Preuve que la « peinture n’est, somme toute, que le résultat d’actes de destruction : élimination de la lumière tonitruante, tentative de déloger les entrailles enfouies dans le quotidien. » A l’inverse d’une Meredith Sparks, Agnès Thurnauer ne refuse pas l’effet de miroir. Mais pour s’en amuser. Ignorant l'usure du temps par « ses » images l’artiste se les réapproprie avec frénésie voire fétichisme en jouant du brillant et de l'artifice, « là où lumière et obscurité ont fini par s’entendre ».

Jean-Paul Gavard-Perret

Rod Mengham, « Un tour chez Agnes Thurnauer », Litterature Mineure, Roen, 8 E ., 2017.

 

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