Jean Hugo, louange à la modestie

Porter un nom universellement célèbre ne va de soi !
Deux attitudes sont possibles, soit l’orgueil jusqu’à la fatuité soit la modestie jusqu’à l’effacement. Jean Hugo (1894-1984) avait choisi la seconde option, et sans aucun doute, c’est par ce chemin qu’il gagne notre admiration. Ce qu’il laisse derrière lui est peu de choses, comparé au grand ancêtre !
"Très jeune, il a su que pour se montrer digne de son illustre patrimoine, il lui fallait se glisser silencieusement, comme la main dans le gant, dans ce nom qui était le sien. Pour porter ce nom, qui, avec celui de Napoléon, a rempli son siècle du bruit de sa gloire, Jean Hugo a choisi un art du silence." Il ne regardait pas la télévision, n’aimait pas le football. Un tel nom "crée des devoirs" estimait-il. 
"Jean Hugo était calme, bon et généreux. La vie eût dû s’écouler toute douce devant lui, car on ne lui connaissait pas d’ennemi. Il portait élégamment le fardeau d’un nom si lourd.
Comme son père Georges Hugo, il était un homme du monde, quelqu’un d’une grande distinction de cœur et d’esprit, un ami aimable, un homme près duquel on aurait voulu vivre",  déclarait Maurice Sachs.

Henri Gourdin qui a écrit ce livre avec un sens du respect et un souci de vérité indéniables, dit dans la lettre qu’il adresse par-dessus le temps à Jean Hugo qu’il n’y a pas de catalogue raisonné de son œuvre, pas de carnets d’atelier, pas d’agendas, pas de notes. Rien, sinon pour comprendre et entrer dans cette vie retirée et pourtant féconde des lettres, des témoignages d’amis, le regard attentif de ses tableaux. Il lui aura fallu une vingtaine d’années de recherches, d’écoute, de filature si on peut dire de cette vie oubliée et que la postérité a sautée au profit du seul arrière-grand-père pour en faire émerger la valeur. Le lecteur est récompensé, il découvre un homme rien moins qu’original, intelligent, sincère, un artiste, un combattant, un homme de foi inspiré.
"L’inspiration vient naturellement mais il faut lui donner régulièrement rendez-vous."

La Grande Guerre éclate. Blessé, il est promu officier. Le voilà acteur du Tout-Paris des années 1920, croise les célébrités d’alors, de Cocteau à Picasso, de Darius Milhaud à Erik Satie et de Louise de Vilmorin à la princesse Bibesco. Puis, à l’autre extrémité de sa trajectoire, Jacques Maritain. Des rencontres toujours décisives. Le temps des plaisirs précèdent celui des retraites. Dans le sud de la France. Héritier par son père d’un goût évident pour l’art, il le transmettra à sa fille Marie. Sa peinture allie et aimante ce qu’il réunit en lui-même, le soin envers les autres, la nature, la naïveté du regard, la palette des couleurs, tout cela traversé chaque fois davantage par une lumière de vitrail.
Il est, pour Cocteau, "l’image même de cette modestie parfaite des enlumineurs, chez qui la vérité quotidienne l’emporte sur les grâces décoratives. Sa main puissante, son gros œil jupitérien, son olympisme en quelque sorte, n’usent pas de foudres, mais de petites gouaches si vastes qu’on dirait que leur taille résulte d’un simple phénomène de perspective".

En dépit de cette volonté de discrétion, l’existence de Jean Hugo prend au fil des pages un relief de plus en plus accusé. Henri Gourdin qui a même traversé l’océan Atlantique pour voir les toiles qui n’étaient pas accrochées en France, au musée Fabre de Montpellier notamment, déroule au quotidien les replis d’une existence féconde. L’aïeul aurait été fier de son descendant.

Dominique Vergnon 

Henri Gourdin, Jean Hugo, un pays selon mon goût, Les éditions de Paris Max Chaleil, avril 2018, 184 p.-, 18 euros.

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