Morituri te saluant

L’art désigne l'horreur sans se préoccuper des camps : tous les cadavres ont la même odeur. Leur donner un drapeau est difficile. Au nom de qui donner le drapeau sinon aux salauds qui jouèrent aux petits soldats avec leur troupe ?
Preuve que si souvent les paroles commencent la guerre, seul l’art la finit. Textes et images ne sont plus cependant un miroir : ils s'enfoncent dans l'horreur afin que les morts reviennent hanter les vivants.

Voire plus : soudain ce sont les vivants qui habitent les morts pour qu’ils persistent dans la mémoire. Il ne s’agit pas de bâtir un mystère mais de casser les images et mots qui furent des faux-témoins de guerre. Artistes et écrivains en élargissent leur mensonge. Dans son creux la tranchée dégorge la force de vivre contre le peu qu’elle fut.
C'est pourquoi une telle exposition – organisée dans le cadre des commémorations du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale et réalisée avec le Kunstmuseum d’Albstadt et la Fondation Frans Masereel – ne se quitte pas.

Ce ne sont  là que silhouettes inhumaines ou trop humaines. Soudain la vérité dérobe la vie. La mort dérobe la vérité par son jargon de l'authenticité. Reste l'inconscient barbare, les spasmes telluriques d'un rite inaugural. L'origine du monde est là. Dans le tapage du canon.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

La guerre et après Otto Dix et ses contemporains, Musée des Beaux-Arts de Chambéry, 3 novembre 2018 - 24 février 2019.

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