Eva Chettle : l’animal et son double

Dans les sculptures d’Eva Chettle tout est clos et pourtant tout éclate. Tout est mort mais tout est vivant. Celle qui se rêvait, enfant, paléontologue est devenue artiste pour forcer encore plus le passé à rejoindre le futur. Le monde devient une décoction fantastique. Il n’est pas jusqu'aux « restes » à conserver un certain sens du rite du vivant car l’artiste les réinventent à sa main. Il y a des zones d’ombre, des zones claires. Des chaleurs d’été mais aussi celles d'hiver.
L’artiste dresse un constat poétique prégnant, énigmatique. Ses sculptures « monstrueuses » demeurent mystérieuses et sont capables d’inverser le monde. L’artiste fait dériver les carcasses et embaume l’animal ou l'empaille. Elle lui dicte de nouvelles envolées ou reptations. Ses images deviennent une serre primordiale. Avec des étoiles aux poings dans les poches de matière (bois, fer, bronze, plâtre etc.) qui cohabitent avec des colonnes vertébrales capables de redresser le regard
Le souffle créateur impose des formes en tourment là où l’imagination déborde en pulsions qu’il faut retenir mais juste ce qu’il faut. Les os, les muscles retrouvent leur faim jusqu’à ce que les images deviennent chair. La créatrice les accouche, agite leur chaos, la fièvre de vie s’en empare Les couleuvres se font avaleuses de grenouille et de bœuf. Saisir la ressemblance est hors d’atteinte. Seule la « disproportion de l’homme » que Pascal évoque ironiquement dans les Pensées est assignable à un tel art.
Jean-Paul Gavard-Perret
Eva Chettle, Fabuleuses chimères, Collection L'œuvre contée - Textes en collaboration avec Marie Delarue, Préface de Stéphanie Barnay-Verdier, éditions L’œil de la Femme à Barbe, novembre 2018, 80 p.-, 25 €
En prévente sur : loeildelafemmeabarbe.fr/prestation
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