Voyager en Italie avec Emmanuel Lansyer

Déjà à la fin du XVIe siècle puis surtout à partir de 1750, les classes aristocratiques anglaises d’abord, on pense à Lord Byron ou Charles Sackville, puis très vite des écrivains comme Goethe ou Alexandre Dumas, des artistes enfin comme Fragonard ou Turner, ce dernier se lançant dans les pas de Henry Anderton, partent pour le Grand Tour. Tous vont à la découverte d’une Italie qui est alors pour l’élite européenne la référence culturelle par excellence. Ils se retrouvent dans des lieux convenus, tirent de leurs expériences vécues, que ce soit devant les monuments antiques ou en partageant à la vie quotidienne des habitants, des souvenirs qu’ils confient à leurs tableaux comme à leurs livres.

Emmanuel Lansyer (1835-1893) s’inscrit dans cette suite de reporters, si le mot peut avoir un sens pour l’époque, et effectue deux voyages dans la Péninsule. Entré à l’atelier de Courbet qui lui donnera le goût des couleurs après celui de Viollet-le-Duc qui lui laissera le désir de la précision, proche enfin d’Henri Harpignies qui l’initiera aux charmes de la nature, il a dans ses bagages une formation lui permettant d’avoir un regard à la fois juste et personnel qui « oscille entre la fascination à l’égard de lieux qui correspondent à ses attentes et une expression de désenchantement ».

 

Pour transport, il adopte le chemin de fer. A Rome dont le Tibre n’est pas encore endigué, il ne s’intéresse guère aux ruines mais il est sensible « à la Rome moderne et ses palais ». Mais sa sensibilité trouve dans certains sites de quoi s'exprimer (Porta San Giovanni à Rome, huile sur bois, 4 et 5 janvier 1870). Les gravures de Piranèse qu’il acquiert lui servent dans sa relecture de l’histoire des lieux. Après ce premier voyage, il part en 1892 pour un second déplacement, vers Venise cette fois, où il « pose son chevalet dans le quartier de Dorsoduro », dominé par l’imposante autant qu’élégante basilique de Santa Maria della Salute.
Il apprécie particulièrement cet édifice dont la silhouette apparaît dans une gamme délicate de gris sur une huile, au fond du Grand Canal, du côté de l’Académie. Comme à Rome celles de Piranèse, Lansyer regarde les œuvres de Canaletto et achète en outre une centaine de photos, « un nouvel outil de travail pour le portrait de ville ».

Celles qui figurent dans ce petit et élégant ouvrage accompagnent l’exposition qui s’est ouverte dans la demeure XIXe siècle que le peintre tenait de sa mère. Elle contient une extraordinaire collection de tableaux, photographies, dessins, mobilier léguées par ses soins à la ville, à la condition qu’elle devienne un musée. Ces pages très illustrées mettent en parallèle et en résonances, en plus des œuvres de Lansyer, des gravures de Piranèse et des  eaux fortes de Canaletto, qui fut graveur de ses vedute. Les trois artistes sont des guides parfaits pour retrouver ce temps italien oublié.

Dominique Vergnon

Véronique Lourme (sous la direction de), Lansyer, Canaletto & Piranèse : images d’Italie, 200 illustrations, 190 x 190, éditions d’art In Fine, mai 2019, 112 p.-, 18 euros

 

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