Kiki Smith arrive à la Monnaie de Paris

L’œuvre de Kiki Smith témoigne de l’importance du corps. L’artiste s’attache à souligner la force et la dérision de l’organique humain. Elle montre le mystère et la vulnérabilité de la chair en explorant des parties du corps : main, appareil digestif, bassin, foie avec des matériaux tels que le tissu, le papier, le verre, le bronze et la céramique puis s’oriente vers d’autres organismes (animaux). Mais le propos est toujours le même : Le corps est notre dénominateur commun et la scène de notre désir et de notre souffrance. Je veux exprimer par lui qui nous sommes, comment nous vivons et nous mourons.

Le corps quel qu’en soit la nature et le genre demeure le reflet des passions et des souffrances de l'existence. Il reste la base d’une sculpture bien éloignée du travail abstractif de celle de son père (Tony Smith). Au minimalisme de ce dernier fait place l'anatomie humaine et le monde naturel. Mais si les sculptures, photographies et gravures de Kiki Smith abordent les thèmes du corps (de la femme) et de la nature (les animaux) elles réinventent tout autant les mythes et les contes de fées à partir de perspectives féminines.

Avec Catching Shadows Kiki Smith ouvrait à la béance oculaire. Les deux orbites "disent" la prise du spectateur dans un regard qui devient le confident de ses opérations les plus secrètes soumises aux  stéréotypes qui gardent la vie dure. A ce regard il manquait jusque là le poids de la mort : l’artiste lui accorde. Il ne peut plus se contenter de passer d'un reflet à l'autre. La mélancolie transcendantale qui s'exprime semble de nature à traverser la vision du spectateur jusqu'à atteindre un arrière-œil,un arrière monde : peut-être celui du royaume des morts. Mais pour une renaissance.

Kiki Smith rappelle que nous sommes ses égarés provisoires. Notre foule est de plus en plus compacte. L’artiste ne cesse donc d’accorder à l’art les derniers outrages en entretenant une obsession portée  à l’humour et l’amour ( ce dernier dépasse celui entre deux êtres). La drôlerie de l’artiste suscite une irrésistible attirance voire une attraction irrépressible même s’il existe sous état larvé un héritage d’un théâtre de la cruauté que n’aurait pas renié Artaud.

Jean-Paul Gavard-Perret

Kiki Smith, Catching Shadows, exposition à la Monnaie de Paris, du 18 octobre 2019 au 9 février 2020

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