Léonard de Vinci, le mystère et la perspective

Les grands esprits sont d’une inépuisable fécondité aurait dit un jour Benjamin Franklin, qui fut entre autres écrivain, physicien, philanthrope, naturaliste et diplomate. S’il pensait sans doute à lui en disant cela, il pensait sûrement à Léonard de Vinci qu’il admirait. Les comparaisons ont été, comme l’on sait, souvent faites entre ces deux géants de l’intelligence. Elles n’ont guère cependant de portée réelle, les contextes sont trop éloignés. Mais deux mots demeurent qui les rapprochent et restent valables par-delà des années, l’inépuisable fécondité !  Chez les deux hommes, elle est curiosité, multiplicité des talents, aptitude d’un coup d’aile à résoudre le problème le plus ardu, capacité de vue qui mène à la réflexion, de là à l’action pour aboutir à un universalisme de l’esprit.
Léonard rivalise avec quiconque. Peintre, dessinateur et scientifique, il est chaque jour plus connu, mieux connu surtout. Il est météorologue, architecte, géologue, géomètre, il ne cesse de déjouer nos certitudes par l’assurance qu’il a de transcender la nature, la matière, la beauté, le temps.

Ainsi de ses recherches sur des sujets auxquels on ne pense pas de prime abord quand on voit ses tableaux de paix divine et ses portraits d’élégance humaine. Derrière, il y a une démarche constante qui repousse les limites immédiates du savoir, invite sa propre méthode d’analyse à aller plus loin, pour aborder que ce soit la perspective, la couleur, la religion ou la lumière. Une dynamique intérieure le pousse "à observer, expérimenter et ordonner, écrit Annie Yacob, docteur en histoire de l’art, professeur à Paris I, dans un petit ouvrage qui apparaît au fil des pages magistralement intéressant, novateur selon les angles qu’il offre. Jamais de manière plus évidente on saisit au fil des pages combien pour Léonard de Vinci, "faire l’éloge de la peinture, c’est faire l’éloge de l’œil". D’où son attrait tôt manifesté pour la perspective, découverte dans l’atelier de Verrocchio. Le voici au plus près de ses questionnements sur les rapports entre ombres et clartés, dans le but sur la toile d’accuser un relief harmonieux. Une lumière particulière qui se dilate en lumière universelle. L’auteur nous apprend et montre que la luce, qui serait la lumière directe, n’est pas la lume, qui est "un rayonnement diffus, générant un éclairage tamisé".
Ce doux éclat qui séduit tant notre regard.

 

D’une autre manière, c’est bien ce même regard qui est saisi, provoqué, interrogé par ces figures de Madones, ces plis qui les habillent et ne relèvent pas du hasard, une grotte d’où émane un jour des origines, une montagne sacrée comme aux temps de la genèse, ces entrelacs qui défient la plus aboutie des virtuosités, les proportions idéales qui font du château de Chambord une référence absolue de la beauté inspirée par le nombre d’or.
A partir de quelques tableaux célèbres, L’Annonciation de 1472-1475, La Vierge aux rochers exécutée autour de 1483-1486, des planches gravées et des dessins du maître, l’histoire de Chambord, Jeanette Zwingenberger, enseignante et historienne de l’art, invite le lecteur à la suivre dans une passionnante exploration des mystères et des symboles calculés qui transparaissent dans l’œuvre de Léonard de Vinci, animent les arrière-plans, élaborent ces espaces d’ordre mental et de puissance visuelle, font se rencontrer, des plus visibles aux plus cachés, les infinis. Autre lecture qui est une seconde invitation à saluer son inépuisable fécondité.  

  

Dominique Vergnon

 

Annie Yacob, Léonard de Vinci, réflexions sur l’esthétique léonardienne, 240 x 170, In Fine éditions d’art, décembre 2019, 160 p.-, 25 euros

Jeanette Zwingenberger, Léonard de Vinci, l’énigme des images, 50 illustrations, 170 x 240, In Fine éditions d’art, décembre 2019, 96 p.-, 22 euros

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