Esprit du lieu à la Galerie Univer

Emmanuelle Pérat

Monter une exposition de peinture n’est pas une sinécure, d’autant plus quand elle est collective : cinq artistes invités à s’approprier le lieu par la magie du curateur, Itshak Goldberg. Ainsi il en va de la quadrature du cercle qu’il faut créer, harmoniser les œuvres dans un lieu donné (on ne peut pas pousser les murs) et faire en sorte qu’elles s’adaptent, se parlent, invitent le regardeur à s’y arrêter, le captivent et ouvrent la poésie du tableau à son esprit encombré de scories numériques. Autant dire un véritable défi ; d’autant que la Galerie Univer est aussi un lieu insolite qui s’articule autour d’une cour, petit jardin privatif qui offre des jeux de lumière naturelle à associer aux spots électriques. Mais notre organisateur a rendu une copie parfaite, ajustant tableaux noir & blanc face aux pastels colorés, grands formats en entrant puis jeu de cache-cache selon les pièces visitées, pour mieux sublimer le support, offrir du temps et de l’oxygène afin que l’œuvre respire, s’épanouisse en aimantant le visiteur à sa beauté, son énergie, cette force qui attire autant qu’elle impressionne ; on danse d’un pied sur l’autre, cherchant la bonne distance, le bon angle, découvrant à chaque nouvelle perspective une autre manière de l’admirer…
 

Patricia Stheeman

En entrant, donc, ouvrez bien vos mirettes car il y a ici d’authentiques artistes, autrement plus intéressants que les zigotos que l’on vous vend à longueur d’antenne car ils pèsent des millions, mais si l’on oublie la planche à billets (qui sert de blanchisserie) on n’a pas grand-chose d’artistique à voir dès lors qu’on supprime l’aspect conceptuel de leur approche.
Ici, vous êtes en territoire ami, si les noms ne vous sont pas familiers, qu’importe, la grâce est présente, l’œuvre ne date pas d’hier, la démarche est honnête : ce sont de vrais artistes qui vont vous surprendre, vous embarquer dans des paysages biscornus et labyrinthiques (Patricia Stheeman), de similis relevés topographiques à l’encre de Chine, miniaturisés en de précieux signes inscrits sur un fond blanc (Melisa López), les fameuses jetées de Jean-Pierre Schneider, sorte de ponts en suspension reliant terre et eau ; les extraordinaires pastels (Emmanuelle Pérat) inspirés d’une visite de greniers qui se métamorphosent en cubes colorés sous un halo intemporel, sorte de sfumato flottant sur le tableau, lui donnant une aura incroyable… ou encore une forêt de ténèbres où les arbres s’amusent à jouer aux fantômes (Françoise Pétrovitch)…

Cette étonnante exposition est à voir jusqu’au 22 février (Galerie Univer, 6, Cité de l’Ameublement — Paris 11), autant dire qu’il va falloir vous y précipiter rapidement…

François Xavier

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