Les Ghost Dogs de Chloé Julien

Par ses aquarelles et ses montages Chloé Julien nous ramène à un univers ludique et érotique. Il y a là des monstres mais aussi des séducteurs comme il y en existe dans les chants d'une Tori Amos. Les hommes sont le plus souvent des rois nus dont il ne reste d'eux que la peinture diluée qui dégouline sur des morceaux d'anatomie.
De ceux qui pourraient être tyrans l'artiste n’a plus à craindre l’approche. Sans casque ou bouclier et défaits ils savent qu’ils ne rejoindront plus celle qui non seulement échappe à leur volonté, mais qu'elle a vaincu sans leur trancher la tête et les enfouir dans sa besace.
Parions que les yeux de la solitaire étincellent entre le plaisir et le désir lorsqu'elle s’abandonne aux images de ceux qu'elle visite et dont elle sort le corps comme le sang de la neige.
Dans ce jeu d'échecs le voyeur connaît désormais la Reine dont les pinceaux ou les ciseaux glissent le long des corps. Une goutte blanche (de colle) jaillit lorsque de tels hommes cèdent au plaisir Si bien que Chloé Julien réveille les morts, donne courage, dégrafe des corsages et autres dessous chics inhérents à divers genres.
L'artiste est devenue dompteuse de fantômes anonymes dont elle seule connaît les secrets. Surpris le voyeur comprend peu à peu qu’elle sera la dernière et la première des femmes. Elle détruit le passé par un présent fragmentaire. Plus besoin de chercher des explications, de déplier des raisons.
Au nom de l’amour les éléments éclatés s’emboîtent d’eux-mêmes et des corps se dissolvent dans les mouvements de leur corps et de leur pensée. Sous le regard de Méduse ils se changent non en pierre mais se chargent de fragilité qui après tout devient l’identité masculine elle-même.
Parfois l’érection molle d'un fou aquarellisé est le signe dont la Reine a besoin. Se dressant avec peine l’homme lui fait comprendre que la jouissance du corps peut être défaillante mais que celle de l’esprit est sans fin. C’est à partir de là que l'amour trouve peut-être son véritable sens. Il indique un plaisir qui ne sombre jamais. Mais un doute est permis. Le trouble de chaque image le souligne.
Jean-Paul Gavard-Perret
Exposition virtuelle 2020 (pour cause de Corona Virus) : www.chloejulien.com/
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