Orly, embarquement pour l’histoire

Vitrine de la France, monument d’architecture, berceau de l’aviation, patrimoine du pays, lieu à la pointe de la technologie, tous évocateurs, ces mots servent à donner une idée de ce qu’a été Orly au cours des années soixante. Sous leur version anglaise, les sixties prennent un tour à la fois allègre, désuet et international bien adapté aux images réunies tout à fait à propos dans ce livre. Beaucoup sortent des archives et méritent d’être connues. Orly avait à l’évidence une ambition nationale, pour emprunter deux termes essentiels du discours prononcé le 24 février 1961 par le général de Gaulle, à l’époque président de la République.

Se promener entre les boutiques des galeries marchandes, écouter dites par ces voix d’Or qui paraissent venues des horizons lointains les annonces des départs à destination de New-York, vol Air France 007, embarquement porte 44, monter sur les terrasses et de là voir décoller une Caravelle, un Boeing 707, éventuellement un Super Constellation, ont constitué pour les visiteurs des moments de plaisir, provoqué des sentiments de fierté, suscité des instants de curiosité et de réflexion sur un progrès qui ne manquait pas de surprendre par sa puissance et son élégance. Les bars contribuaient à l’esthétique de l’aérogare conçue autour de quelques signes pour ainsi dire révolutionnaires, comme la chaise 3107 en bois, le tabouret haut en métal avec cousin en skaï, la table avec plateau en Formica. De même, les restaurants et les brasseries offraient une large gamme des recettes de la meilleure cuisine française aux passagers, dans une ambiance rassurante sinon euphorique, créée par des décorateurs de renom comme Jean Lurçat. C’était le règne des nouveaux matériaux, le verre, l’aluminium, la pierre, le plastique.
L’immense structure se devait d’être fonctionnelle, rationnelle, contemporaine, sans concurrence. Les installations s’avérèrent vite trop petites. En 1953, ce sont 900 000 passagers qui sont accueillis. Le 12 juillet 1964, 40 000 visiteurs sont sur les terrasses. Ce que les foules étaient venu découvrir à l’époque étaient bien ces signes de la modernité la plus aboutie et sans doute la plus incroyable pour les mentalités du moment.

Ces années-là marquèrent aussi l’évolution du transport aérien, qui devenait moins une aventure pour quelques privilégiés qu’un moyen de voyager à la portée du plus grand nombre possible. Les prix désormais baissent, la publicité s’introduit partout et permet de distinguer grâce aux logos et aux uniformes des hôtesses les compagnies entre elles. C’est le temps de la Pan Am, de Varig et de TWA !
Les avions gagnent en robustesse, donc en vitesse et en espace, leurs lignes se doivent d’être le plus possible aérodynamiques. Grâce à ce progrès continu, le temps se contracte, les fuseaux horaires s’amincissent, les océans sont survolés d’une seule traite, les continents se rapprochent tandis qu’au sol, les installations continuent de s’agrandir et s’intègrent autour de Paris dans un réseau de voies de plus en plus complexes et denses.
Par le pavillon d’honneur qui était comme une porte ouverte sur le ciel et l’univers entrèrent des dirigeants célèbres comme Nikita Khrouchtchev et Richard Nixon, la reine Elisabeth II et Konrad Adenauer.

Pour relater la longue histoire de ce qui allait vite devenir une immense nébuleuse de services et entrer dans le troisième millénaire aéronautique, les auteurs à juste titre partent de l’histoire d’un aérodrome dont on peut voir le plan en 1921. Autour des hangars métalliques, il y a eu ici l’envol des prototypes, l’arrivée des dirigeables, la construction des premières pistes qui dépasseront vite le kilomètre.
Durant les années 1940, la taille des avions à hélice comme les DC 4 et les Armagnacs sert en quelque sorte de mesure pour dessiner le plan général.  Un décret datant du 4janvier 1947 organise ce qui est maintenant connu sous le nom d’Aéroport de Paris. Orly s’impose comme étant le fils d’Eole, ce qu’il n’a cessé depuis  de devenir. Le rappel des grandes dates de l’aviation et des étapes de croissance de l’aéroport parisien permettent de suivre cette évolution.
De Port-Aviation et son terrain de 100 hectares aux quatre terminaux actuels qui en couvrent 1600, ces pages font revivre cette part de poésie et d’utopie qui s’attache à Orly.
 

Dominique Vergnon

 

Paul Damm, Orly, aéroport des sixties, 255 illustrations, 240 x 290, éditions Lieux Dits, juillet 2020, 176 p.-, 29 €

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