Les festivités sous la dynastie des Valois

D’abord situer la Maison.
Les Valois prennent rang entre les Capétiens et les Bourbons, et règnent pendant un peu plus de deux siècles et demi. De Philippe VI à Henri  III, les branches se ramifient. Entre les Valois-Orléans et les Valois-Angoulême, certains noms sont bien connus, tels Jean II le Bon, Charles VII, Louis XI, François 1er, Henri II.
D’autres noms de familles apparaissent qui appartiennent aussi à ce passé fait de gloire et de petitesse, Condé, Guise, Montmorency. Pour beaucoup le destin a frappé durement, des maladies à l’assassinat, sans oublier la folie, l’absence de successeur direct, ou encore la mort à la suite d’une terrible blessure à l’œil lors d’un tournoi.

Rappeler ensuite que cette période est faite de guerres politiques avec l’Angleterre et l’Italie, et de guerres de religions. Personne n’ignore la guerre de Cent ans ni le coup de Jarnac ni la conjuration d’Amboise. À côté de cela, beaucoup de grandeur, des conquêtes, des institutions nouvelles qui consolident le trône, des châteaux prestigieux qui sont des trésors patrimoniaux. Fontainebleau à cet égard occupe une place plus qu’éminente, il est le lieu par excellence du rayonnement de la cour et des princes, le meilleur témoin de la succession des siècles dans les arts de l’architecture, des décors, du mobilier mais aussi des jardins.
Au point que l’on parle désormais non seulement d’une mais de deux écoles de Fontainebleau. Il est aussi au centre d’un autre art, d’autant plus éblouissant qu’il est éphémère, l’art de la fête. Un mot dont le sens, pris dans son contexte historique, ne peut en rien être comparé à celui que lui a donné notre époque qui se limite moins à vivre la fête qu’à la faire, ce qui n’est pas la même chose !

Au temps des Valois, il convient en premier de savoir que les fêtes étaient nombreuses et qu’il y en avait de plusieurs sortes, qu’elles soient religieuses et calendaires ou liées aux mariages et aux réceptions diplomatiques, qu’elles se déroulent au Louvre ou à Chenonceau ou encore en Lorraine où les ballets mis en œuvre par Jacques de Bellange étaient prestigieux, ainsi que le prouve une feuille de Médard Chuppin, qui exécuta en 1580 à la pierre noire, plume et encre brune un élégant personnage à la coiffure savamment arrangée et le col en  dentelles à crevées.

Grande cérémonie, fondatrice à plus d’un sens, le sacre, quand l’allégresse des cloches qui sonnent et des coups de canons qui donnent le rythme se mêle l’apparat de la procession. Un dessin à la pierre noire, plume et encre brune avec rehauts de lavis brun et de gouache blanche  d’Antoine Caron (1521-1599) donne une juste idée du moment solennel où le roi prête serment au royaume. Ce lien avec le peuple trouvait dans les entrées une autre dimension, plus politique et dirait-on maintenant, sociétale. C’est l’occasion de remises de cadeaux et de cortèges qui peuvent avoir parfois des références antiques, comme l’entrée d’Henri II à Rouen le 1er octobre 1550.
Un manuscrit enluminé, chargé de symboles, datant de 1515 montre l’entrée de François 1er à Lyon. Préparer un tel événement exigeait des fonds et la participation, au-delà des responsables des municipalités, des poètes, ce que firent Ronsard et du Bellay, des écrivains, et des artistes parmi les plus célèbres, comme les architectes Pierre Lescot et Philibert de l’Orme, le sculpteur Jean Goujon, les peintres Jean Cousin, père et fils, qui tous ont marqué le siècle d’un sceau de perfection inégalée.
D’autres artistes moins connus, Jean Maignan et Jean Perrissin furent choisis pour exécuter les arcs triomphaux, les trophées et les machines.

Il en allait de même à l’étranger, et une huile sur toile de Vicentino (Andrea dei Michieli) décrit superbement la réception du duc d’Anjou à San Nicolo di Lido à Venise par le Doge Alvise Mocenigo, un nom qui appartient à l’histoire des Doges. En effet, Gentile Bellini a exécuté un somptueux portrait de Giovanni Mocenigo vers 1478 (tempera sur bois).

 


Mais pour se revêtir des magnificences voulues, la fête exige d’être fabriquée, en d’autres termes requiert toute une architecture qui se doit d’être aussi spectaculaire qu’elle sera provisoire. De ce fait le lieu de la fête devient entièrement imaginaire. Les tailles de certaines grandes salles pour le bal étonnent par leurs incroyables dimensions, comme celles de Blois, Coucy, Montargis.
Jacques Androuet du Cerceau, graveur et architecte, membre d’une grande famille, conçoit des espaces extraordinaires pour les bâtiments à plaisir. La série des eaux fortes présentée dans cet ouvrage met en lumière cet art du bâtir qui permet de grandioses scénographies.

Dans cette cour, on ne s’occupe qu’à donner du bon temps tout le jour avec des joutes, des fêtes, avec de très belles mascarades toujours différentes » note le 9 janvier 1541 Gian Battista Gambara, ambassadeur de Mantoue à la cour de France, alors à Fontainebleau. Pas de fêtes sans costumes extravagants et sans masques, sans accoutrements et vêtements pour les joutes, les carnavals, les tournois, les mascarades, les scènes nautiques et les diverses réjouissances qui impliquaient une créativité débordante, prenant ses références aussi bien dans les bestiaires que dans la mythologie et un savoir technique particulièrement affiné.
Les artistes qui ont laissé des témoignages tous absolument merveilleux au plan esthétique sont nombreux, avec en tête Francesco Primaticcio, né à Bologne, Rosso Fiorentino, né à Florence, morts tous les deux à Paris, et Antoine Caron. Primatice compose entre autres fabuleux costumes une Fileuse montée sur une tortue (à la plume, encre brune, aquarelle rose et jaune) et un fantastique Chevalier au cygne (pierre noire, encre brune, aquarelle), portant une cuirasse festonnée ornée de motifs de grotesques.

Si le lecteur entre dans les coulisses de ces cérémonies, il en est aussi l’invité privilégié sur le devant de la scène, grâce à l’abondance, la qualité et la rareté de certaines des illustrations qui lui donnent une vraie sensation de présence. Il suit ce déploiement de faste dans les détails, il peut assister à une pavane ou un branle et lire des quatrains qui célèbrent la fortune, l’amour et les dieux.
 

Dominique Vergnon

Oriane Beaufils, Vincent Droguet  L’art de la Fête à la cour des Valois, 260 illustrations, 240 x 280 mm, In fine éditions d’art, mars 2021, 320 p.-, 42 euros

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