Richard Meier polisson polyphonique

Héritier à sa façon de Jean Vodaine, Richard Meier est un plasticien des plus rares qui nous apprend que le journal le plus intime ne s'écrit pas : il se peint. Et celui qui passa une grande partie de sa vie à éditer – superbement et en livres d'artistes – les pépites des autres (dont  celles de Viallat, Ben, Claude Rutault, Buraglio,  Morellet, Kowalski, Gao Xingjian, Scanreigh, Lucot, Vassiliou, Heidsieck ou Cage)  poursuit la création et la publication de ses carnets.

Elle débouche aujourd'hui "sur une suite de dessins qui venus de la bouche travaille une phonie". Et le créateur d'ajouter que cette approche  " retourne aux pétroglyphes, à l'alphabet mais davantage à un rapport entre le syllabique et l'image résiduelle".

Parallèlement et peut-être en conséquence Meier participe au "manifeste" "Le Secondarisme" avec Da Rocha, Helissen et Saint-Eve. Chacun y va de sa version  d'un concept défini ici de la façon la plus floue – mais par souci de précision : "le secondarisme est affaire d'individus dit secondaires".

Preuve que tout – lorsque s'abordent les théories – reste une question de langue. Elle les saborde pendant qu'elle est encore chaude. Et Meier donne la main à un tel piratage sans prendre de gants sauf ceux (célèbres chez lui) de jardinier. Ils servent ici de cartes moins de séjour que de menu à ces secondaires qui étant n'importe qui sont personne ou tout le monde. Et ce comme l'incarna le plus palot des acteurs hollywoodiens,  héros de toute les formes de bien-pensances, parangon de tous académichiens et dont personne ou presque ne se souvient : Gary Cooper. Il reste néanmoins à l'origine de cette théorie décentrée.

Contrairement aux personnages joués par l'acteur, Meier évite ce qui est cousu de fil blanc. Et son pessimisme s'éloigne de toutes lamentations ou théories logomachiques. Le temps est venu de sortir des écrans blancs sinon des nuits noires. Le dessin trame de sourds desseins. Le notre est soudoyé par les encres du créateur. Leurs étendues aqueuses plus qu'idéo-programmatiques offrent une hygiène de l'esprit à ceux qui prétendent encore que ce sont non pas les hirondelles mais les idées en rondelles qui feraient le printemps. Il est temps de les couvrir de goudron et de plume.
Ce qui sans doute aurait mis mal à l'aise l'humanitarisme de Cooper. Devant un tel processus Gary jaune. Un comble pour un acteur qui contrairement à un célèbre abbé  n'a jamais souri !

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Richard Meier, Journal Peint et Le Secondarisme, Éditions Voix, mars 2021

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