Lucienne Desnoues, en préfaçant Marie Gevers


En préfaçant dans la collection Passé-Présent – en 78, chez son ami éditeur Jacques Antoine – la réédition de Plaisir des Météores ou le livre des douze mois, Lucienne se livre certainement autant (et au plus juste aussi) sur elle-même que sur Marie Gevers, la Colette du nord qu'elle admire, sur son propre art de vivre, sa façon d'être toute personnelle et, bien sûr, tout spécialement sur celle du bien écrire : On n'est jamais trahi ; on se sert des autres pour se trahir soi-même, était d'avis le vauclusien André de Richaud qui – poète-homme de théâtre hors-norme selon Michel Piccoli – s'y connaissait un brin en divers jeux de masques comme en toute autre sorte d'autoportrait plus véridique !

Oui, en le cas, en effet. Sans le vouloir expressément, une telle attention fervente en ces pages, du coup, à la fois si fortes et si délicates, un tel enthousiasme admiratif pour cette aînée, ne font, il est vrai, in fine que trahir Lucienne de la meilleure manière, à peine voilée ; sans qu'elle le veuille toutefois, ni même ne s'en doute, je crois.
C'est également le cas à travers sa vive admiration portée à la grande Colette qui, en retour de seulement quelques poèmes envoyés en hommage, la reconnaît tout de suite gravement favorisée par Pégase et sans hésiter l'adoube aussitôt Poète qu'elle aime à son tour, exprimant tout cela en une belle lettre.
Quel bonheur que vous soyez réellement, fatalement, un grand poète, mon enfant ! Vos vers sont toujours beaux, ils le resterontlui écrit-elle alors, entre autres, en substance.

Une chose me choque cependant dans cette, certes admirable, sinon magistrale préface où la personnalité de Lucienne se reflète pourtant, comme en eau claire, à travers celle, toute proche et lumineuse, de Marie Gevers : c'est, dans le troisième paragraphe – un peu dans la marge, puisqu'il s'agit d'Histoire, mais quand même – où elle cite, au passage, une note succincte de Saint-Simon sur Louis XIV : Il aimait l'air !
Et voilà que tout de go elle écrit allègrement là-dessus, alors complètement en porte-à-faux : Louis XIV et son règne semblent s'illustrer dans ces quatre syllabes, d'un haut fait supplémentaire, universel.
Merci donc, entre autres, pour les dragonnades, les famines et la poigne de fer qui, en plus de toutes sortes de souffrances, firent tant de morts sous son règne !

Mais je ne voudrais pas finir sur une note aussi négative, voulant même tenter de l'effacer en écrivant combien cette préface, tel un beau costume coupé sur mesure, sied aussi bien à l'une qu'à l'autre de ces deux femmes écrivains !
Tout en rappelant aussi, à défaut d'éditeur, que ce grand poète qu'est Lucienne aurait eu cent ans cette année.

 

André Lombard

 

Marie Gevers, Plaisir des Météores, éditions Jacques Antoine, 1978, 175 p.-.

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