Les animaux farcesques malades de notre peste

Essentiellement réalisée au crayon de couleurs jusqu’en 2010, l’œuvre de Fifo Stricker manifeste une virtuosité technique remarquable, qui lorgne à la fois du côté de l’hyperréalisme et de la naïve exubérance d’un Henri Rousseau. Son processus créatif est impressionnant, commente Patrick Cramer. Il débute par le cadre, à l’encre de Chine, et les motifs de l’avant-plan, puis progresse, sans esquisse, jusqu’au fond du tableau, souvent une toile claire tirée sur un châssis de bambou pour faire ressortir ses sujets. Il arrive à l’atelier la tête vide mais ne rate jamais ses histoires.

Les bestioles mutantes du dessinateur qui fréquente assidûment le zoo de sa ville natale, rappellent des acteurs qui poseraient dans un décor pour une mise en scène militante. Leurs traits sont animaux mais leurs attitudes et attributs évoquent continuellement l’humain et ses machines. Par l’intrusion de l’automatique dans le vivant, Fifo Stricker dénonce avec virulence le néfaste empire de l’homme sur la nature.
Ce dernier, pourtant, ne s’affiche jamais. Seule la manifestation de sa tyrannie pointe : sur l’encolure du zèbre, les gracieuses rayures prennent ainsi l’apparence inflexible d’un code-barres et se distingue, au cou de la martre, le col d’un futur manteau.
 
Jean-Paul Gavard-Perret
 
Fifo Stricker, Dessins-gravures 1975-1987, Aquarelles 1991-1993, éditions Patrick Cramer, Genève, 2020

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