Robert Doisneau en l'un de ses portraits du peintre Serge Fiorio

La beauté échappe aux modes passagères disait Robert Doisneau, le photographe qui avait transformé la vie simple en une poésie quotidienne. C’est pour cela que l’exposition de 1951 au MOMA à New-York l’avait rendu célèbre dans le monde entier.
Il estimait que 
saisir les gestes ordinaires de gens ordinaires dans des situations ordinaires représentait en soi une source inépuisable de beauté et d’intérêt.
Son œuvre en témoigne
, écrit Dominique Vergnon.

Dans le peloton de tête des grands photographes ayant fréquenté l’atelier du peintre Serge Fiorio à Montjustin, le passage, deux années de file sur plusieurs semaines, de Robert Doisneau révèlera, à mesure, quantité d’atomes crochus entre l’esprit de cette peinture anti-intellectuelle et le credo rapporté ci-dessus en exergue.
Il serait trop long de narrer ici comment, un beau jour par temps clair, dieu des chemins, des aventures et de la chance en chemin, Hermès fixa et scella leur rencontre ; à Paris, certes, mais complètement en-dehors, et loin, de tout milieu artistique : à la faveur – beau prétexte ! – du prosaïque déménagement d’une tierce personne, voyez-vous, s’apprêtant à prendre sa retraite en le beau pays sec entre Lure et Luberon.

Toujours est-il que, de plus, à ce moment-là, Doisneau avait le besoin urgent de photographier des moutons et que, de son côté – ça ne pouvait pas mieux tomber, n’est-ce pas ! –, la tribu Fiorio en élevait justement tout un troupeau dont le peintre assurait parfois lui-même la garde au cours de laquelle, à la fois rêveur et fin observateur, l’inspiration n’avait de cesse de le visiter.
Topons là ! Affaire conclue, Doisneau se pointe sans tarder et, du même coup, fait la découverte de la peinture Fiorio qu’il s’empressera de partager à son cher Anatole Jakovsky, grand découvreur de peintres singuliers, dissidents, inclassables.

Photographier des moutons…
C’est qu’en ce début avril 1959, Serge est justement en train, agneau de lait à l’appui, de terminer le fidèle et rigoureux portrait de Robert Duc, le jeune bon berger en titre !
Faire d’une pierre deux coups, c’est avec bonheur que Robert Doisneau en saisit l’occasion. Sans doute, comme a son habitude, c’est connu, arrange-t-il quelque peu la scène à sa façon pour en parfaire ainsi la réalité à la rencontre d'un hasard objectif plus personnel ; satisfaisant par là, je suppose, aux exigences de son troisième œil, s’en foutant en quelque sorte quelque peu plein la vue en premier avant que de s’autoriser à appuyer sur le bouton.
Ne compose-t-on pas aussi un tableau avant que de le peindre ?

PS : hélas, de moins en moins. Ce qui me rappelle la juste constatation en forme de triptyque dont Gide et Camus se partagent la paternité : L’art naît de contraintes, vit de luttes, et meurt de liberté.

André Lombard

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