Y a pas photo : Réhabilitons Paul Geniet !

Il est quantité d'êtres hautement positifs, créateurs, dont la discrétion et la modestie n’ont d’égale que l’injustice crasse en laquelle ces deux dernières plongent leur mémoire sans que personne, jamais, ne s’en émeuve ; faussant par là compagnie, par la même occasion, à l’Histoire officielle de leur domaine d'action.
Leur nom, quoi qu’ils aient pu initier, réaliser, ou collectivement mettre en œuvre, est hélas – pour une grande part et subséquemment, il est vrai, de leur propre fait – ainsi totalement éclipsé sans façon, grandement aidé en cela par nombre de plumitifs au cou pelé qui – sachant bien reconnaître de quel côté la tartine est beurrée – choisissent de rameuter les clients à grands coups d'esbroufe, de scoops et de célébrités. Mais cela peu leur chaut car les noms connus-archiconnus trimballant avec eux le néfaste parfum des idoles et le répandant sur l’esprit du public, il en est directement de cause à effet proportionnellement tout l'inverse quant au volume de journaux vendus, de magazines, de livres, de revues en ligne, ou tout autres produits dérivés, bien entendu !

C’est ainsi que lorsqu’on évoque la création et les  premières années des RIP, Rencontres Internationales de la photographie d’Arles, le nom de l’enfant du pays, Lucien Clergue, vient tout naturellement en premier sur les lèvres, puis c’est au tour de Jean-Maurice Rouquette qui, éminent historien, est à ce moment-là conservateur en chef  du musée Réattu. En vient enfin un autre en troisième, celui d’un encore relativement jeune écrivain cependant déjà en pleine et juste gloire éditoriale, également présentateur télévisuel de l’excellente émission Chambre noire : Michel Tournier.
Tous les trois composant, de 1970 à 1972, le peloton de tête des directeurs artistiques qui se succèderont. Mais quid de Paul Geniet ? Makach ! Blackout sur son nom, ni vu ni connu, absent des articles et des comptes-rendus ! Alors que, très actif aux sports et à la culture – sans compter au Conseil national du Mouvement de la Paix dont il fut un temps président pour les Bouches-du-Rhône – la ville d’Arles lui doit beaucoup et les Rencontres photo tout particulièrement puisqu’il en fut véritablement, en bonne et due forme, l’un des quatre cofondateurs passionnés et puis l'un des solides piliers par la suite, cheville ouvrière active sur encore plusieurs années.
Cela avant que d'aller définitivement rejoindre la tribu de ses amis Fiorio sur la colline inspirée de Montjustin où – bien renseignée par un ami commun, le cher André Bernard  – Joan Baez monta plusieurs fois discrètement le saluer et lui rendre hommage comme personne : en chansons, évidemment !

Paul Geniet ici en grande conversation amicale avec Gisèle Freund à la Tour du Valat, en 1977. Photo Yan Dieuzaide.

Dans Arles, les rencontres de la photographie, par exemple, de Paul Geniet Françoise Denoyelle ne pipe mot ; l’ouvrage étant pourtant décrit et recommandé comme faisant référence …
Conclusion : y a pas photo !

André Lombard

Les Rencontres d'Arles 2022, jusqu'au 25 septembre 2022.

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Signalons aussi que le renouveau du musée Réattu ne commence pas avec Jean-Maurice Rouquette, mais avec Jacques Latour (1918-1956), le fils du peintre Alfred Latour. Résistant, il a été déporté à Dachau en 1944 dans le "train de la mort", parti le 2 juillet de Compiègne.

Spéléologue et archéologue, il fut aussi comme son père, un photographe de grand talent, dont les oeuvres sont malheureusement dispersées. Il a fouillé au Forum, à Trinquetaille, aux Arènes. Il s'est occupé de la remise en service de l'ensemble des musées d'Arles et de l'extension du musée Réattu qu'il a tourné vers la peinture et la sculpture du XXe siècle. Il a organisé dans ce musée avec la collaboration amicale du neveu du peintre la première exposition van Gogh en 1951. Il a aussi exposé Renoir, l'art d'Afrique noire, d'extrême-orient, les tapisseries et céramiques de Jean Lurçat, ....

Avec sa femme Marielle, devenue après son décès la directrice du musée Cantini à Marseille, il accueillait les artistes et amis des artistes dans sa maison arlésienne dans une atmosphère chaleureuse.   

Il évoque dans sa correspondance son "ami Paul Geniet".

Il est disparu trop tôt et sa mémoire a été cruellement effacée.