Dans la lumière des vitraux tourangeaux

Pour certains, elle ne peut rivaliser avec les grands édifices gothiques que sont les cathédrales d’Amiens, de Paris, de Beauvais, de Chartres ou encore de Bourges. Mais, magnifique contrepartie, la cathédrale Saint-Gatien de Tours s’inscrit sans la moindre difficulté parmi les joyaux du patrimoine religieux pour ses vitraux, constituant assurément un des plus prestigieux ensembles dans ce domaine tant en France qu’en Europe.
Ces verrières qui se répartissent au long de la cathédrale participent à l’élévation, la grandeur et si l’on peut dire aussi, à la finesse de la voute, qui avoisine les 30 mètres, une hauteur qui s’ajoute aux impressionnantes dimensions de la cathédrale, de 100 mètres de long et 46 de large au transept. On peut penser sans risque d’erreur que Balzac aimait se promener dans ces lieux, car dans son livre "Le curé de Tours", paru en 1832, il parle du cloître de La Psalette, adossé à la cathédrale : il existait dans le cloître, du côté de la Grand’rue, plusieurs maisons réunies par une clôture, appartenant à la Cathédrale et où logeaient quelques dignitaires du Chapitre.
Datant pour la majorité d’entre eux du XIIIe, les vitraux de Saint-Gatien témoignent dès l’entrée dans la nef de la richesse créatrice et de la diversité des manières des artistes de l’époque, que ce soit dans les thèmes relatant la vie du Christ et des saints ou dans les jeux de couleurs.

Ouvrant ce beau livre consacré au vitrail dans cette région de Touraine, depuis les origines porteuse autant d’histoire que d’art, une citation de Julien-Léopold Lobin en offre le fil conducteur. Ce peintre-verrier (1814-1864), également fondateur d’une dynastie de verriers, écrit qu’aucune branche de l’art religieux du Moyen Age n’a plus vivement excité l’attention générale de la peinture sur verre… Les vitraux seuls ont le privilège de piquer la curiosité des savants et des ignorants...Ces compositions touchent le cœur, éclairent l’intelligence, émeuvent l’imagination.
Car au-delà de Tours même, l’élan de ferveur artistique traverse toute la région qui est, ainsi que le note l’auteur, une terre d’élection pour le vitrail. En effet, l’inventaire qui a été établi recense 3000 verrières, réparties dans 358 édifices et 257 communes sur 272, autrement dit pratiquement partout. 
À côté des siècles médiévaux et renaissants, autre étape féconde et originale, la création au XIXe apparaît dans son rayonnement, son inventivité, sa poésie, ses fantaisies formelles peut-être, le déploiement en tous cas d’une iconographie qui séduit. Parfois mal estimé, bien à tort, ce siècle est à la vérité messager d’une esthétique féconde, lyrique, didactique, novatrice et élégante.
De Loches à Chenonceau, d’Amboise à Montbazon, de Richelieu à La Celle-Saint-Avant, le lecteur suit un parcours au cours duquel non seulement les points techniques, avec pour certains des procédés anciens retrouvés, mais encore et surtout les variations de style (troubadour, académique, romantique…) et de sujets sont mis parfaitement en valeur, comme les cycles mariaux, les évangélistes, les martyrs, les mages, de grands personnages bibliques, des faits politiques tels la reconnaissance de Charles VII par Jeanne d’Arc.

Arrivant là où il arrive que le regard ne peut atteindre, les illustrations montrent de près le travail des verriers, leur savoir des adaptations aux architectures, la polychromie, des détails méconnus comme cette ferronnerie imitant un fenestrage à deux lancettes au Grand Pressigny ou les verrières à médaillons du logis royal de Loches, de 1834.
Quelques noms dominent, celui de l’abbé Plailly, poète et érudit, de la famille Lobin, de Julien et Lux Fournier. Partout donc, les ateliers tourangeaux ont fait preuve d’un talent sans égal.
Un glossaire, le répertoire des artistes et l’index des lieux complètent utilement ces pages.
Une carte localisant les sites aurait été bienvenue.

 

Dominique Vergnon

Olivier Geneste, Le vitrail en Touraine au XIXe siècle : un foyer de création, 230 illustrations, 243 x 297, édition Lieux-dits/ Centre-Val de Loire, (Coll. Images du patrimoine n° 318), septembre 2022, 112 p.-, 22,50 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.