Paysages peints : de l’académisme à la modernité

Pour l’Académie, au XVIIe siècle, le paysage venait au quatrième rang de la hiérarchie, derrière la peinture d’histoire, le portrait et les scènes de genre, devant la nature morte. En d’autres termes, il était considéré comme un genre mineur, même s’il exigeait de bonnes connaissances, par exemple pour les marines. Ce classement va se trouver remis en question vers la fin du XVIIIe siècle mais surtout au XIXe qui égalise les catégories anciennes.
Le paysage prend alors des couleurs, le romantisme et le réalisme lui donnent une place qui ne cessera de se confirmer. Les émotions, une grande part donnée à la fois à l’imagination, à l’observation et à la réinterprétation du visible ouvrent des perspectives jusqu’à présent inédites dans l’approche du réel. Avant tout, c’est dans le traitement de la lumière et de ses effets que les sensibilités des artistes s’expriment, chacun signant de sa touche ses toiles et ses choix de lieux favoris.
Désormais, la nouvelle génération des peintres sort des ateliers et va sur le motif. Barbizon devient le point de rencontre de nombreux peintres qui rompent avec la tradition néoclassique, préférant rester proches sinon fidèles au spectacle naturel, évitant l’idéalisation de leurs illustres prédécesseurs que furent notamment Poussin et Le Lorrain. Avec cette École, un mouvement sans égal est lancé. On sait que les modes de transports invitent en plus aux déplacements et qu’un choix de quelques tubes permet de rester une journée à travailler à l’extérieur sans problème d’approvisionnement, peut-on lire dans une des pages introductives à ce catalogue.

Les chevalets se retrouvent donc à la campagne et en forêt autour de ceux de Corot, Rousseau, Troyon, Millet, Daubigny, dans les environs d’Ornans pour Courbet, sur les bords de la Marne avec Stanislas Lépine, le long de la côte normande chère à Boudin.
Alors que Camille Corot privilégie les transparences, les notations rapides, les tons chauds, libère les espaces sur la droite, les plans qui se succèdent jusqu’aux horizons et aux nuages, Gustave Courbet qui a aimé copier au Louvre les maîtres Hollandais et Vénitiens met en avant sa région d’origine, en retenant les grands arbres, les rochers, les nuances sombres. Sa pâte est souvent épaisse, il travaille beaucoup au couteau à palette. 

Trois peintres trouvent ici leur rang de précurseurs de l’impressionnisme. Boudin d’abord, célébré pour ses vues portuaires, ses grands voiliers dont le gréement s’élèvent dans le ciel. Baudelaire le salue comme étant le peintre des beautés météorologiques. En 1874 il participe à la première exposition du mouvement. Ensuite vient Johan Bartold Jongkind, proche d’Isabey, qui a également le goût des ports, rendant dans des lumières chaudes la profondeur des sites. Enfin Félix Ziem, rigoureux dans ses compositions qui voyage à Venise et en Orient.
Un beau chapitre réunit une dizaine de peintres qui donneront à l’impressionnisme ses meilleurs représentants, tous novateurs et se rattachant à cette manière de regarder le monde extérieur, faite de fugacité, de fluidité, de délicatesse, d’harmonies savantes, de cadrages calculés, de subtilité, d’audace, de contrastes soutenus. Ce sont entre autres Monet, Marquet, Renoir, Sisley, Loiseau, Frits Thaulow, Maufra qui tour à tour condensent, exaltent et esthétisent les heures qu’ils passent à Pont-Aven, à Cardiff, à Paris, à Belle-Ile, en Bretagne. Le paysage est maintenant un genre à part entière qui peut se détacher des codes des siècles précédents écrit Catherine Delot.
Fermé pour travaux, le musée des Beaux-Arts de Reims prête au musée de Lodève les pièces majeures de sa collection afin d’illustrer les étapes de ce parcours qui conduit à la modernité et auquel Denise Esteban ou Charles-Marie Dulac apportent comme un supplément épuré vers la contemplation.  

Dominique Vergnon

Ivonne Papin-Drastik, En route vers l’Impressionnisme. Le paysage dans les collections du musée des Beaux-Arts de Reims, 90 illustrations, 240 x 280 mm, Silvana Editoriale, juillet 2022, 152 p.-, 29€

www.museedelodeve.fr

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